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La porte à 10 centimes

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Il me revient ce matin cette petite histoire qu’on me raconta un jour d’il y a quelques années et qui réapparait soudain, sans raison précise, au détour de ma mémoire. A y regarder de plus près, elle porte en elle toutes les composantes d’un conte philosophique, c’est peut-être pour cela qu’elle ne m’a jamais vraiment quitté.

10_French_centimes_1963

Un homme d’âge mur qui avait particulièrement bien réussi dans la vie avait coutume de se produire régulièrement dans des conférences publiques ou des émissions de télévision pour raconter l’histoire de ses succès ou, autrement dit, comment il avait acquis une aussi grande fortune.

Le jeune homme bien peu argenté qu’il était jadis se précipitait un jour aux toilettes d’un café, persuadé de leur gratuité, et se retrouva devant une série de portes sombres qui toutes exigeaient pour s’ouvrir qu’on mît dans la serrure aménagée à cet effet une pièce de 10 centimes (de Franc). Il chercha autour de lui quelqu’un qui aurait bien voulu l’aider d’une pareille somme et quelqu’un lui tendit aimablement une pièce.

Il était sur le point de l’insérer quand la porte qu’il avait choisie s’ouvrit pour laisser sortir son prédécesseur qui poliment la lui tint ouverte. Il mit donc la pièce dans sa poche.

Au pied de l’escalier qui devait le ramener à la surface il avisa une machine à sous qu’il n’avait pas remarquée en arrivant – et pour cause… – et décida de tenter sa chance avec les 10 centimes qu’il venait d’économiser. Tentative heureuse : le Jackpot.

Cette somme rondelette lui permit de prétendre à un prêt pour acheter un petit commerce qui très vite devint prospère, qu’il développa jusqu’à en faire une entreprise de premier plan, national puis international, etc… etc…

Chacune de ses interventions se terminaient par son vœu de pouvoir retrouver " ce type à qui je dois d’être devenu ce que je suis, et que je voudrais bien pouvoir récompenser. "

Un jour, alors qu’il prononçait sa phrase finale habituelle, un homme se leva au milieu de l’assistance et lui dit :

-  " Je m’en souviens parfaitement, c’est moi qui vous ai donné la pièce de 10 centimes pour les toilettes ce jour-là ! "

Ce à quoi il répondit du haut de l’estrade où il était perché :

-  " Mais celui que je cherche, c’est l’homme qui ce jour-là m’a tenu la porte ouverte ! "

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I miss you, Eva !

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Oui ! Eva me manque. Heureusement elle m’a laissé quelques enregistrements…

Eva Cassidy 1963 - 1996

Eva Cassidy 1963 – 1996

Voilà quelques semaines je faisais découvrir à l’un de mes amis la voix de la très regrettée Eva Cassidy, dans les multiples couleurs dont elle savait se parer avec un égal bonheur. Eva Cassidy, emportée par un méchant mélanome en 1996, à l’âge de 33 ans, pouvait avec sa seule guitare ou accompagnée de quelques musiciens faire tout aussi bien rugir de plaisir les fans de pop music ou de folk, swinguer les amoureux du jazz, pleurer les âmes blessées sur un blues droit venu des rives du Mississippi ou engager les bons pêcheurs à prier à tue-tête au rythme d’un vieux gospel. Et si l’on voulait être complet à l’égard de ses multiples talents, il ne faudrait pas manquer de mentionner ses remarquables interprétations rock et country. Le tout appuyé sur l’excellence de son jeu à la guitare.

What else ?

Une voix d’ange qu’on ne peut oublier quand on l’a une fois entendue, tant ses vibrations sont empreintes d’une profonde spiritualité. et la sensibilité qui en émane chargée d’émotions vraies.

Quand elle disparaît en 1996, elle n’est pas vraiment connue ailleurs que dans l’État de Washington où elle est née. Elle n’a que peu produit au disque à part un album de duos avec Chuck Brown en 1992 et l’année de sa mort, un album solo " Live At Blues Alley ", qui va lui valoir une reconnaissance de la part d’une association musicale locale.

Quelques années plus tard la BBC fait connaître au public anglais ses versions de quelques titres comme " Fields of God " ou " Over the Rainbow ", interprétées par d’autres musiciens. Le public apprécie, en demande encore, alors on compile les enregistrements inédits qu’Eva a laissés. Les albums posthumes connaissent un immense succès, avec des ventes exceptionnelles en Grande Bretagne, puis dans le reste du monde. Eva et sa musique atteignent à une gloire tant méritée qui dure encore et qu’elle n’aura pas connue.

Procrastinateur patenté, il me fallait une occasion pour me décider à écrire ce billet que je m’étais promis, ce soir là, de composer. Et l’occasion la voici, toute récente : une vidéo fraichement découverte de Margriet Sjoerdsma – totalement inconnue de votre serviteur – qui chante avec ses musiciens dans les studios de la VPRO à Amsterdam, en hommage à Eva Cassidy, " In the early morning rain " composée par Gordon Lightfoot.

Tous les ingrédients de la séduction sont réunis ici : magnifique studio, belle prise de son, définition excellente de l’image, musiciens de qualité, ravissante chanteuse à la voix douce… Mais – que cette demoiselle me pardonne ! – ce n’est pas Eva Cassidy…

Pour mieux comprendre il suffit d’écouter le même morceau dans la vidéo qui suit ; les flatteries modernes de la technique ne sont pas encore nées, et pour cause, on y est  plus jeune de 20 ans…

Juste Eva et sa guitare sur une simple diaporama sans prétention !…

Un bonheur  cette pluie du petit matin !

In the early morning rain

&

San Francisco Bay blues

&

Walkin’ after midnight

&

How can I keep from singing

&&&

[ Monter cet article a été l'occasion, à nouveau, d'un formidable régal à écouter et ré-écouter Eva en boucle. Puissiez-vous partager ce plaisir si vous la découvrez ! ]

Sa discographie :

Songbird Live at blues alley Eva by heart Imagine Time after time American tune Simply Eva Somewhere Chuck Brown et Eva Cassidy

Écrire à Élise… Encore !

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Oui ! Oui ! C’est bien la même lettre que celle que votre petit fils s’évertue encore à écrire à deux mains sur les touches d’ivoire de l’antique piano droit du salon, dont Mamie tirait des merveilles, jadis, à l’occasion des anniversaires, jusqu’à en faire danser les bougeoirs.

Ce sont les mêmes mots – les mêmes notes en vérité -, le même vieux papier jauni et annoté par des générations de professeurs désespérés. Et toujours cette même vieille Élise, lassée à mourir de tant de fausses déclarations, qui n’en finit pas de maudire Beethoven, aussi puissant qu’apparaisse son génie.

Mais aujourd’hui, c’est étrange, le piano vous semble démesuré – comment tient-il tout entier dans ce coin du salon ? L’ivoire sonne comme du cristal ; translucide, la partition fait chanter délicatement ses accords doux et passionnés au rythme léger d’un cœur épris d’adolescent. Et vous vous demandez comment il est possible de former tous les pleins et les déliés quand la plume frôle à peine le papier.

Et nul besoin de lunettes, cette lettre-là, on l’écoute, vraiment.

Sans doute avez-vous remarqué ce discret sourire de satisfaction illuminer le regard soudain énamouré de notre belle Élise ? Rare privilège !

Vous souriez aussi. Heureux d’avoir reconnu – ou peut-être enfin découvert – la mélodie de cette célèbre bagatelle… " La lettre à Élise ".  Et vous la trouvez à votre goût, écrite ainsi.

Votre petit-fils se prénomme Ludwig, dites-vous ?

Bizarre ! Comme c’est bizarre !

" La simplicité est la chose la plus difficile à obtenir dans ce monde, c’est la dernière limite de l’expérience et le dernier effort du génie. "   George Sand

Ce jeune et formidable pianiste, Igor Levit, qui se produit essentiellement en Allemagne actuellement, a inspiré à la critique musicale quelques phrases qui en disent long sur son talent et son futur, surtout quand on sait le nombre des grands pianistes en devenir d’aujourd’hui et à quelle altitude ils culminent :

Frankfurter Allgemeine Zeitung :

" Ce jeune homme n’a pas seulement tous les atouts pour devenir un grand pianiste de notre siècle, il l’est déjà. "

Süddeutsche Zeitung :

" Le jeune pianiste le plus fascinant de la  scène musicale classique d’aujourd’hui. "

The Guardian :

" Levit est avant tout un vrai musicien qui semble construit pour durer "

The independent :

" La grandeur et la lumière du son de Levit éclairent des paysages remplis de drames le long du chemin "

♦♦♦


Se souvenir

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Louis Lottier - Vue générale de Beyrouth depuis Wadi Abou Jémil - 1860

Louis Lottier – Vue générale de Beyrouth depuis Wadi Abou Jémil – 1860

En montagne libanaise

Se souvenir – du bruit du clair de lune,
lorsque la nuit d’été se cogne à la montagne,
et que traîne le vent,
dans la bouche rocheuse des Monts Liban.

Mustapha Farroukh - Village de Zouk et Harissa - 1955

Mustapha Farroukh – Village de Zouk et Harissa – 1955

Se souvenir – d’un village escarpé,
posé comme une larme au bord d’une paupière ;
on y rencontre un grenadier,
et des fleurs plus sonores
qu’un clavier.

Mustapha Farroukh - Village de Kabb Elias 1936

Mustapha Farroukh – Village de Kabb Elias 1936

Se souvenir – de la vigne sous le figuier,
des chênes gercés que Septembre abreuve,
des fontaines et des muletiers,
du soleil dissous dans les eaux du fleuve.

Mustapha Farroukh - Maison Sud Liban 1932

Mustapha Farroukh – Maison Sud Liban 1932

Se souvenir – du basilic et du pommier,
du sirop de mûres et des amandiers.
Alors chaque fille était hirondelle,
ses yeux remuaient, comme une nacelle,
sur un bâton de coudrier.

Mustapha Farroukh - Petit déjeuner libanais - 1946

Mustapha Farroukh – Petit déjeuner libanais – 1946

Se souvenir – de l’ermite et du chevrier,
des sentiers qui mènent au bout du nuage,
du chant de l’Islam, des châteaux croisés,
et des cloches folles, du mois de juillet.

Mustapha Farroukh - Atour de Sidon - 1955

Mustapha Farroukh – Atour de Sidon – 1955

Se souvenir – de chacun, de tous,
du conteur, du mage, et du boulanger,
des mots de la fête, de ceux des orages,
de la mer qui brille comme une médaille,
dans le paysage.

Mustapha Farroukh - Village sur le Mont Liban 1945

Mustapha Farroukh – Village sur le Mont Liban 1945

Se souvenir – d’un souvenir d’enfant,
d’un secret royaume qui avait notre âge ;
nous ne savions pas lire les présages,
dans ces oiseaux morts au fond de leurs cages,
sur les Monts Liban.

Mustapha Farroukh - Village de Kabb Elias 1934

Mustapha Farroukh – Village de Kabb Elias 1934

                                                        Poème de Nadia Tueni (Baakline 1935 – Beyrouth 1983)

Illustration musicale :

Los Paxaricos (Isaac Levy I.59) – Maciço de Rosas (I.Levy III.41) – Jordi Savall


" Nous sommes ces nuages…"

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– Eh! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
– J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages!

Baudelaire ( In " Petits poèmes en prose " -  " I -L’étranger " )

Ballet "Nuages" : Chorégraphe : Jiri Kylian – Musique : Claude Debussy (Nocturnes)

Ce pas de deux est extrait du spectacle donné à l’Opéra Bastille, fin 2008, avec, me semble-t-il, les danseurs Dorothée Gilbert et Manuel Legris.

Les nuages

Les nuages frôlent
Falaises et crêtes
Courtisent les vallées
Tracent sur plan d’azur
De brèves et blanches écritures
Détissées par le temps

Face aux montagnes
Qui surplombent nos saisons passagères
Nous sommes ces nuages
Entre gouffres et sommet.

Andrée Chedid (" Rythmes " )



Au temps de Holberg

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Ludvig Holberg (Bergen 1684 - Copenhague 1754)

Ludvig Holberg (Bergen 1684 – Copenhague 1754)

Après avoir regardé un instant le portrait de Ludvig Holberg – dont nos livres d’Histoire, toutes générations confondues, ont gardé secrète l’existence – on ne devrait pas tirer grand mérite à affirmer que son temps c’est le XVIIIème siècle.

Consultation faite, on replacera l’homme plus précisément dans la première moitié du siècle, et géographiquement dans les pays nordiques, sa biographie nous apprenant qu’il quitte à l’âge de 18 ans la Norvège où il est né pour s’installer au Danemark, plus favorable à la vie intellectuelle de l’époque, où il meurt, honoré et reconnu, à l’âge de 70 ans.

Homme de lettres et historien, polyglotte, ayant voyagé longuement en Europe,  il va contribuer par ses œuvres à fixer la langue de ces deux pays, et partant à satisfaire le puissant désir exprimé par les rois Frédéric IV et Frédéric V de remplacer le latin par une langue littéraire danoise. Norvège et Danemark étaient à cette époque regroupés sous la même couronne du Danemark.

Il était donc légitime que la Scandinavie, en 1884, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Ludvig Holberg, ait souhaité rendre hommage à l’illustre écrivain. Le gouvernement norvégien demanda alors naturellement à son plus grand compositeur, Edward Grieg, gloire scandinave de la fin du XIXème, et lui aussi natif de Bergen, de composer pour la circonstance une cantate dont il dirigerait l’interprétation le jour de la cérémonie… en plein air.

Edvard Grieg (Bergen 1843 - Bergen 1907)

Edvard Grieg (Bergen 1843 – Bergen 1907)

Il n’avait toutefois pas échappé au compositeur que Holberg était né un 13 décembre…

Norvégien et fier de l’être, certes, mais malgré tout frileux, Grieg, pour éviter la représentation extérieure, donna sa préférence à une suite pour piano – son instrument de prédilection -, dans le style de l’époque, très inspirée des suites de Bach. Il décida de la transcrire pour orchestre à cordes enchainant ainsi à jamais sous le titre de Suite  Holberg , ou plus exactement Suite op.40 : "Du temps de Holberg",  les cinq mouvements traditionnels des compositions baroques : Prélude – Sarabande – Gavotte – Air – Rigaudon, qui vinrent encore enrichir les innombrables succès du Maître norvégien.

Et voilà, une nouvelle fois, un illustre écrivain, "le Molière scandinave", en l’occurrence – comme on a parfois surnommé Holberg -, dont la postérité ne doit d’avoir franchi les étroites limites de ses frontières nationales qu’aux talent, à la célébrité et à l’irradiation universelle d’un musicien. – Aurions-nous déjà oublié ce que la mémoire de Aloysius Bertrand doit à Ravel ?

La suite Holberg, depuis sa création, n’a jamais manqué de trouver une place de choix dans le répertoire des formations pour cordes et dans les sélections musicales des auditeurs du monde entier.

Pour preuve que le succès de cette œuvre franchit allègrement les siècles sans trier parmi les générations, pourquoi ne pas en écouter le dernier mouvement, Rigaudon, avec ses immanquables allusions à Bach, évidemment, mais aussi ses quelques références folkloriques.

Et à l’accordéon, s’il vous plaît, par un duo de jeunes filles, bien de notre temps, qui s’en donnent à cœur joie.  Enchantement et vitalité. Jubilatoire!

Duo Toeac : Pieternel Berkers et Renée Bekkers

Mais il serait légitime de vouloir retrouver ou découvrir une interprétation classique et conventionnelle de cette magnifique suite. La jubilation, certes différente, n’en serait pas moindre. Surtout si l’on a choisi l’interprétation tout en équilibre, profonds contrastes et chaudes sonorités, de l’incontournable Franz Liszt Chamber Orchestra de Budapest, dirigé du violon par son directeur artistique, Jànos Rolla.

Les cordes en majesté !

I. Prélude – II. Sarabande

Ce billet, déjà long, devrait s’arrêter là, et c’est bien ainsi qu’il avait été conçu initialement. Mais la gourmandise est trop forte : je ne résiste pas au plaisir d’insérer ici la suite de l’œuvre, confiée maintenant aux enthousiastes musiciens du Norwegian Chamber Orchestra dirigés par Terje Tønnesen. Les voilà tous prêts à danser dans le jardin un beau week-end d’été.

Leur musique, incontestablement, a revêtu sa plus belle robe de fête.

 III. Gavotte

IV. Air (Andante religioso)

V. Rigaudon

Je retiendrai cet article comme l’un des plus heureux que j’aurais, jusqu’à présent, publiés sur ce blog. Puissè-je vous avoir transmis une part de ce bonheur !


La nuit 18 – Dans le secret des rêves

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Igor Mitoraj - Tête craquelée

Igor Mitoraj – Tête craquelée

Les rêves

Le visage de ceux qu’on n’aime pas encor
Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves
Et va s’illuminant sur de pâles décors
Dans un argentement de lune qui se lève.

Il flotte du divin aux grâces de leur corps
Leur regard est intense et leur bouche attentive ;
Il semble qu’ils aient vu les jardins de la mort
Et que plus rien en eux de réel ne survive.

La furtive douceur de leur avènement
Enjôle nos désirs à leurs vouloirs propices,
Nous pressentons en eux d’impérieux amants
Venus pour nous afin que le sort s’accomplisse ;

Ils ont des gestes lents, doux et silencieux,
Notre vie uniment vers leur attente afflue :
Il semble que les corps s’unissent par les yeux
Et que les âmes sont des pages qu’on a lues.

Le mystère s’exalte aux sourdines des voix,
À l’énigme des yeux, au trouble du sourire,
À la grande pitié qui nous vient quelquefois
De leur regard, qui s’imprécise et se retire…

Ce sont des frôlements dont on ne peut guérir,
Où l’on se sent le cœur trop las pour se défendre,
Où l’âme est triste ainsi qu’au moment de mourir ;
Ce sont des unions lamentables et tendres…

Et ceux-là resteront, quand le rêve aura fui,
Mystérieusement les élus du mensonge,
Ceux à qui nous aurons, dans le secret des nuits,
Offert nos lèvres d’ombre, ouvert nos bras de songe.

Anna de Noailles  ("Le cœur innombrable" – 1901)

Un clic sur un tableau ouvre la galerie
Constance Mayer-Lamartinière - Sommeil de Vénus Dali - Rêve causé par le vol d'une abeille avant l'éveill Fragonard - Aurore Fragonard - Songe d'amour du guerrier - Louvre Gustave Moreau - Le rêve hante le Moghol Ingres - Le rêve d'Ossian - 1813 Jean Ier Brueghel & Hans Rottenhammer - Le rêve de Raphaël Douanier Rousseau - Le rêve - 1910 - MOMA J-H Füssli - Milton, vision de sa femme Karl Brulloff - Rêve de grand-mère et petite fille - 1829 J-H Füssli - Rêve du berger Louis Cabanes - Rêve de gloire Paul Cézanne - Le rêve du poète Philippe de Champaigne - Le songe d'Elie Pierre Puvis de Chavannes - Le rêve 1883 Pierre-Narcisse Guérin - Morphée et Iris 1811 - Musée de l'Ermitage Salvator Rosa - Le rêve d'Enée Jean Lecomte du Nouy - Rêve d'eunuque - Cleveland museum of art

Les valises, la perle et le turban

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Johannes Vermeer (1632-1675) - The girl with the pearl earring (1665)

Johannes Vermeer (1632-1675) – La jeune fille à la perle (1665)

Non ! Cette fois-ci c’en est trop ! Je ne partirai décidément pas encore aujourd’hui pour mon île déserte au bout du monde.

Et pourtant tout était prêt, ou presque – comment pouvait-il en être autrement avec 437 kilos de bagages préparés après une sélection des plus sévères ? – N’en doutez pas !

Vérification faite, mes auteurs favoris, invités pour la circonstance, étaient déjà installés dans la malle aux livres ; pas un ne manquait à l’appel : romancier ou philosophe, historien ou essayiste, tous tenaient leurs plus belles pages à ma disposition. Aucun, parmi la myriade de poètes, n’avait essayé de fuir sa prison provisoire pour un inaccessible nuage fabricant de rêves.

Scénaristes, metteurs en scène et comédiens de tous pays, sagement confinés dans les boites de leurs vidéos espéraient l’inévitable moment de leur projection dans la lumière.

Au complet, blottis dans l’énorme malle verte, les musiciens, instruments finement accordés, n’attendaient plus que le déclic de la télécommande pour emplir l’air de leurs mélodies hypnotiques. En prêtant l’oreille, on pouvait même entendre, par delà le capiton de la valise, quelque ténor échauffant sa voix.

Déserte, mon île… ?

valises

A ma grande satisfaction, les peintres que j’aime m’avaient chacun confié, pour flatter mon insulaire galerie, la toile – l’originale, bien évidemment -  que j’avais choisie avec soin parmi leurs merveilles respectives. Seuls Léonard de Vinci et Charles Munch avaient dû me refuser la Joconde et le Cri, n’ayant pu résister à la force de rétention des musées qui abritent ces trésors, au prétexte que ce sont les tableaux les plus vus au monde. Soit ! On ne résiste pas à la force du nombre…

Je n’en consacrerai que plus de temps à La jeune fille à la perle, ce portrait mythique, peint par Vermeer, de cette jeune fille à la lèvre pulpeuse,  la tête sertie d’un turban bleu, qui esquisse par dessus son épaule un sourire d’une infinie discrétion, fixé une fois pour toutes sur la toile et pourtant modifiant son expression à chaque nouveau regard posé sur lui.

Tout donc allait pour le mieux, ou presque, lorsque, malédiction, ma mémoire me signala que mon illustre adorée ne serait pas non plus du voyage, détenue encore à Bologne jusqu’à fin mai et exhibée au Palazzo Fava, pour une exposition temporaire.

Alors déception, colère, abnégation et annulation. Imaginerait-on un voyage de noces sans bienaimée ?…

Une autre fois l’île déserte… Et d’ailleurs… il y pleut en ce moment…

Je me contenterai, en attendant une nouvelle occasion, de "naviguer" en rêvant… de La jeune fille à la perle, bien sûr, ou comme l’on disait avant le film de Peter Webber en 2003, La jeune fille au turban.

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girl-with-a-pearl-earring-by-tracyFin 1999, paraît un roman de Tracy Chevalier,  " Girl with a pearl earing " (La jeune fille à la perle), dans lequel l’auteure anglo-américaine de romans historiques laisse pénétrer son regard au plus profond du tableau de Vermeer, jusqu’à inventer la vie de ce modèle dont le Maître peint ce célèbre portrait en 1665. Ainsi, apprend-on de la vie imaginée de la jeune Griet, issue d’une famille très modeste, qu’elle entre au service de la maison Vermeer où elle est particulièrement mal accueillie.

Avec le regard qu’elle porte sur la Delft de l’âge d’or de la peinture hollandaise, et qu’elle décrit comme un peintre le ferait avec ses pinceaux, Griet nous fait découvrir sa sensibilité artistique qui, adjointe à sa beauté, ne peut laisser insensible le Maître Vermeer. Il en fera son assistante et son modèle, l’accueillant dans son intimité et attisant ainsi dans la ville le motif du scandale.

Progressivement le roman lève un coin du voile sur la vie de Vermeer, ses relations avec Van Ruijven, son mécène, sa vision d’artiste, ses techniques de couleurs. Et bien sûr, à travers les yeux de Griet, le livre brosse le décor de cette maison dont chaque mur sert de support à une scène souvent intimiste et toujours colorée que le Maître a fixée sur la toile, comme " La femme au collier ", " La robe écarlate " ou " La laitière ". Tracy Chevalier décrit ces tableaux avec tant de simplicité et de précision qu’elle pourrait métamorphoser en voyeur le malheureux privé de ses yeux.

#

Jeune fille perle - affiche filmEn 2003, le cinéaste Peter Webber adapte ce roman à l’écran et confie les rôles de Griet à Scarlett Johansson et de Vermeer à Colin Firth. Les deux acteurs s’intègrent avec une juste délicatesse dans cet univers hollandais du XVIIème siècle. Au delà du drame humain qu’il présente, le film fait œuvre de fine pédagogie tant pour faire connaître le peintre lui-même dans son univers que pour faire pénétrer l’intimité de son œuvre. L’exceptionnelle minutie de la réalisation et la fidélité aux lumières de l’époque, telles qu’en témoignent les tableaux de Vermeer, proposent un passionnant voyage qu’il serait dommage de ne pas accomplir.

Parmi les très nombreuses nominations du film au cours des grandes compétitions cinématographiques de 2004, il ne semble pas que la musique originale d’Alexandre Desplat ait suscité de grandes émotions dans les jurys successifs. C’est peut-être pour la même raison que ce passionné de musique qui publie de belles vidéos sur internet s’est amusé à coupler quelques plans du film avec un des airs les plus célèbres de Haendel, " Lascia ch’io pianga " (Laisse-moi pleurer), extrait du deuxième acte de son opéra " Rinaldo ".

Il ne faudrait pas chercher plus loin que le mariage esthétiquement heureux des images et du son, d’autres raisons, factuelles ou historiques, à cette association. Que seul le plaisir de l’instant gouverne vos sens en visionnant ce montage réussi !

Moi, je vais défaire mes valises…



Quand ils jouaient sous la tonnelle…

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Super-maman, toujours impatiente :

- Les enfants, je vous avais demandé de ranger vos jouets. Comment voulez-vous qu’on mette la table du déjeuner sous la tonnelle avec tout votre bazar ? Bien-sûr, pas étonnant, c’est encore toi qui mènes la danse, Stéphanie !

- Bon, d’accord ! Un morceau et puis vous me rangez tout ça !

- Papa ne peut même pas tous vous cadrer avec sa caméra, Hal et sa batterie sont complètement cachés. Enfin on vous entend, voilà qui ne fait aucun doute.

Et, à Papa-cool, en aparté :

- C’est pas mal ce qu’ils font, hein ? Ça swingue !… On mangera à l’intérieur.

Les enfants terribles (mais surdoués !!!) :

Piano 1 :   Stéphanie Trick
Piano 2 :  Rossano Sportiello
Basse :     Nicki Parrott
Batterie : Hal Smith

- Les enfants, à table !

- Oh, Maman, encore un instant ! Juste un petit " boogie " pour finir l’apéro !

- Chéri, tu leur montres une vidéo de la petite pendant que je vais chercher le dessert…

 

Éphémère

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Chrysalide de la nuit.

Froissement cristallin du jour.

Inflexible, la mort accueille le soir fécondé.

L’inéluctable mort peut être aussi belle dans les airs que sur l’eau, semble vouloir dire ce ballet " L’Ephémère " créé en 1991 à l’Opéra de Paris . Comme une réponse symétrique à l’incontournable " Mort du cygne ".

Où la mort pourrait-elle mieux exercer les pouvoirs de sa fascinante séduction ailleurs que sur la scène d’un théâtre ?

Musique : Manuel Varela

Chorégraphie : Norbert Schmucki

Danseuse : Claude de Vulpian (nommée Étoile de l’Opéra de Paris en 1978)

Dieu n’a créé que des êtres grossiers, pleins de germes des maladies, qui, après quelques années d’épanouissement bestial, vieillissent dans les infirmités, avec toutes les laideurs et toutes les impuissances de la décrépitude humaine. Il ne les a faits, semble-t-il, que pour se reproduire salement et pour mourir ensuite, ainsi que les insectes
Read more at http://www.dicocitations.com/citations-mot-ephemere.php#dZKSdTDuZYDhjIMJ.99
Dieu n’a créé que des êtres grossiers, pleins de germes des maladies, qui, après quelques années d’épanouissement bestial, vieillissent dans les infirmités, avec toutes les laideurs et toutes les impuissances de la décrépitude humaine. Il ne les a faits, semble-t-il, que pour se reproduire salement et pour mourir ensuite, ainsi que les insectes éphémères des soirs d’été.
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Dieu n’a créé que des êtres grossiers, pleins de germes des maladies, qui, après quelques années d’épanouissement bestial, vieillissent dans les infirmités, avec toutes les laideurs et toutes les impuissances de la décrépitude humaine. Il ne les a faits, semble-t-il, que pour se reproduire salement et pour mourir ensuite, ainsi que les insectes éphémères des soirs d’été.
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Dieu n’a créé que des êtres grossiers, pleins de germes des maladies, qui, après quelques années d’épanouissement bestial, vieillissent dans les infirmités, avec toutes les laideurs et toutes les impuissances de la décrépitude humaine. Il ne les a faits, semble-t-il, que pour se reproduire salement et pour mourir ensuite, ainsi que les insectes éphémères des soirs d’été.
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Ya – Golos’ Vash (Pour eux tous)

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Peintures : Valentin Aleksandrovich Serov (1865-1911)

Pour eux tous

Je suis votre voix, la chaleur de votre souffle,
Je suis le reflet de votre visage,
Il est vain d’agiter des ailes sans force.
Tant pis, je suis avec vous jusqu’au bout.

Voilà pourquoi vous m’aimez d’un tel amour
Dans mon péché et dans mon impuissance ;
Voilà pourquoi, sans y réfléchir
Vous m’avez donné le meilleur de vos fils ;
Voilà pourquoi vous n’avez jamais demandé
Que je dise un mot sur lui
Et pourquoi vous avez enfumé par vos louanges
Ma maison à jamais vide.
On dit qu’il n’est pas d’union plus étroite
Pas d’amour qui égare plus sûrement…

Comme l’ombre veut se séparer du corps,
Comme la chair veut s’arracher à l’âme,
Je veux maintenant être oubliée.

Septembre 1922

Anna Akhmatova (En marge de "Anno Domini")

Requiem - Akhmatova


" Eh bien connais donc Phèdre…"

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GARNIER Etienne Barthélemy (1759-1849) Phèdre après son aveu à Hippolyte

GARNIER Etienne Barthélemy (1759-1849) Phèdre après son aveu à Hippolyte

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue
Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler
Je sentis tout mon corps et transir et brûler.

Toute la tragédie de Phèdre est contenue dans ses quelques vers du premier acte. Elle aime. Mais celui qu’elle aime, Hippolyte, est le fils de Thésée, son époux.

Phèdre - Dominique Blanc

Après Jean-Louis Barrault en 1946, Antoine Vitez en 1975 et Anne Delbée en 1982, il était indispensable qu’en 2003 Patrice Chéreau s’emparât d’une des plus grandes pièces de théâtre, Phèdre de Jean Racine, pour en réaliser une mise en scène moderne, mais sans les excès outranciers du modernisme.

Dès l’exposition le choix est affiché de créer entre les personnages et le spectateur une proximité qui invite à pénétrer l’âme humaine par l’intimité douloureuse de sa déchirure. L’alexandrin, dépouillé du poids de sa tradition, débarrassé de son "obligatoire" césure à l’hémistiche, confère à l’expression du texte l’indispensable naturel qui le rend à la vie ; chaque exclamation interpelle, chaque interrogation questionne, vraiment. Il est loin le Grand Siècle retrouvé par Vitez ; loin aussi les artifices et le décorum de Versailles.

Même si, témoignage de la résignation des humains à l’inexorable fatalité, les bras et les regards s’envolent encore parfois vers le ciel où résident les Dieux, les passions n’en demeurent pas moins affaire de mortels. Avec Chéreau les épidermes entrent en scène. Le langage des corps confirme les conflits des sentiments exprimés par les mots, le geste soutient le vers ; désormais le sentiment repousse la tyrannie du seul verbe, si beau soit-il ; grâce au jeu du corps il ne marque plus l’arrêt à la porte de l’entendement, il file, spontané comme un flux de sang frais, jusqu’au cœur. Ici sans doute est la modernité, dans cette transition directe de l’émotion.

Ainsi Phèdre, amoureuse, en proie à son irrépressible désir incestueux, se rapproche-t-elle d’Hippolyte jusqu’à le sentir, le frôle-t-elle, se retenant à peine d’un coupable enlacement ; ainsi, impudique, va-telle même jusqu’à esquisser une sensuelle caresse sur sa nuque virile. Témoignage de sa sincérité, sa main, portée vers son cœur, finit, dans un élan de contrition, par dénuder son sein quémandant le glaive.

La "chorégraphie" de Chéreau permet aux autres personnages de la pièce de sortir de l’ombre discrète où les gardaient les mises en scène précédentes, laissant mieux percevoir les intrigues annexes ou connexes. Phèdre n’est donc pas seule victime au royaume des humains, affirme-t-il ainsi, validant son propos selon lequel la véritable tragédie qui la détruit tient en ce qu’elle se croit la seule à avoir commis le crime d’aimer.

Eh bien, pour connaître mieux Phèdre, et toute sa fureur, que le rideau se lève au beau milieu de la Scène 5 de l’Acte II :

Sur la scène, par la voix et le geste de Dominique Blanc, elle avoue son amour à Hippolyte (Eric Ruf), en 2003, aux Ateliers Berthier – Théâtre de l’Odéon, sous l’œil magistral du regretté Patrice Chéreau.

Comme un vif encouragement à découvrir encore à travers la captation de l’œuvre sur DVD, les contradictions et les outrances de cette petite fille de Zeus confrontée aux limites trop humaines de la liberté.

Elle est si loin la Phèdre que j’essayais d’apercevoir naguère derrière les étoiles d’encre qui constellaient la couverture violette de mon "Classique Larousse". Je l’aimais tant déjà. Est-ce infidélité de l’aimer plus encore dans sa jeunesse nouvelle ?

PHÈDRE
[...]                                                           Je m’égare,
Seigneur ; ma folle ardeur malgré moi se déclare.
HIPPOLYTE
Je vois de votre amour l’effet prodigieux.
Tout mort qu’il est, Thésée est présent à vos yeux ;
Toujours de son amour votre âme est embrasée.
PHÈDRE
Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée.
Je l’aime, non point tel que l’ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,
Qui va du Dieu des morts déshonorer la couche ;
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les coeurs après soi,
Tel qu’on dépeint nos Dieux, ou tel que je vous vois.
Il avait votre port, vos yeux, votre langage,
Cette noble pudeur colorait son visage,
Lorsque de notre Crète il traversa les flots,
Digne sujet des voeux des filles de Minos.
Que faisiez-vous alors ? Pourquoi sans Hyppolyte
Des héros de la Grèce assembla-t-il l’élite ?
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite.
Pour en développer l’embarras incertain,
Ma soeur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non, dans ce dessein je l’aurais devancée :
L’amour m’en eût d’abord inspiré la pensée.
C’est moi, Prince, c’est moi dont l’utile secours
Vous eût du Labyrinthe enseigné les détours.
Que de soins m’eût coûtés cette tête charmante !
Un fil n’eût point assez rassuré votre amante.
Compagne du péril qu’il vous fallait chercher,
Moi-même devant vous j’aurais voulu marcher ;
Et Phèdre, au Labyrinthe avec vous descendue,
Se serait avec vous retrouvée ou perdue.
HIPPOLYTE
Dieux ! qu’est-ce que j’entends ? Madame, oubliez-vous
Que Thésée est mon père et qu’il est votre époux ?
PHÈDRE
Et sur quoi jugez-vous que j’en perds la mémoire,
Prince ? Aurais-je perdu tout le soin de ma gloire; ?
HIPPOLYTE
Madame, pardonnez. J’avoue, en rougissant,
Que j’accusais à tort un discours innocent.
Ma honte ne peut plus soutenir votre vue ;
Et je vais…
PHÈDRE
Ah ! cruel, tu m’as trop entendue.
Je t’en ai dit assez pour te tirer d’erreur.
Hé bien ! connais donc Phèdre et toute sa fureur.
J’aime. Ne pense pas qu’au moment que je t’aime,
Innocente à mes yeux je m’approuve moi-même,
Ni que du fol amour qui trouble ma raison
Ma lâche complaisance ait nourri le poison.
Objet infortuné des vengeances célestes,
Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Les Dieux m’en sont témoins, ces Dieux qui dans mon flanc
Ont allumé le feu fatal à tout mon sang,
Ces Dieux qui se sont fait une gloire; cruelle
De séduire le cœur d’une faible mortelle.
Toi-même en ton esprit rappelle le passé.
C’est peu de t’avoir fui, cruel, je t’ai chassé.
J’ai voulu te paraître odieuse, inhumaine.
Pour mieux te résister, j’ai recherché ta haine.
De quoi m’ont profité mes inutiles soins ?
Tu me haïssais plus, je ne t’aimais pas moins.
Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes.
J’ai langui, j’ai séché, dans les feux, dans les larmes.
Il suffit de tes yeux pour t’en persuader,
Si tes yeux un moment pouvaient me regarder.
Que dis-je ? Cet aveu que je viens de te faire,
Cet aveu si honteux, le crois-tu volontaire ?
Tremblante pour un fils que je n’osais trahir,
Je te venais prier de ne le point haïr.
Faibles projets d’un cœur trop plein de ce qu’il aime !
Hélas ! je ne t’ai pu parler que de toi-même.
Venge-toi, punis-moi d’un odieux amour.
Digne fils du héros qui t’a donné le jour,
Délivre l’univers d’un monstre qui t’irrite.
La veuve de Thésée ose aimer Hippolyte !
Crois-moi, ce monstre affreux ne doit point t’échapper.
Voilà mon cœur. C’est là que ta main doit frapper.
Impatient déjà d’expier son offense,
Au-devant de ton bras je le sens qui s’avance.
Frappe. Ou si tu le crois indigne de tes coups,
Si ta haine m’envie un supplice si doux,
Ou si d’un sang trop vil ta main serait trempée,
Au défaut de ton bras prête-moi ton épée.
Donne.
OENONE
Que faites-vous, Madame ? Justes Dieux !
Mais on vient. Évitez des témoins odieux ;
Venez, rentrez, fuyez une honte certaine.

Phèdre - Classique Larousse

 


Seul sur ce chemin ?

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Pourquoi faudrait-il qu’un agenda, trop bien organisé pour d’autres motifs que ceux qu’inspire le sentiment, rappelle à chacun, une fois l’an, qu’il doit sa vie et le "plus" unique si personnel qui la caractérise, à la mère qui les lui a donnés ?

Quand on a, un jour, reconnu la sienne dans la lumière de son sourire, les assistants de la mémoire ne sont plus d’aucune utilité. Ce regard aura gravé au plus profond du cœur d’enfant une empreinte que le temps, pourtant effaceur de génie, ne saura plus que raviver chaque jour jusqu’au bout du voyage.

Chacun pourrait, à sa guise, remplacer les images de cette vidéo montée par un sensible inconnu d’internet, par celles puisées dans son propre album, il ne changerait au fond que des visages. Rien, dans ce qui fait l’émotion de cette chanson – " I walk with you, Mama "  (Je marche avec toi, Maman) -  qu’elles veulent illustrer, ne se sera transformé : ni le rythme nostalgique de la ballade qu’elle propose, ni la douceur des souvenirs qu’elle évoque, ni le poids des questions encore suspendues à leur interminable point d’interrogation.

La voix de miel d’Anne-Sofie Von Otter pour enchanter un album de souvenirs inoubliables qui appartient à chacun et qui jamais ne nous laisse faire seul le chemin…

 

Je marche avec toi, Maman

Sur le passage qui borde la rivière

Nous nourrissons les cygnes et saluons les gens que nous croisons.

Je parle avec toi Maman,  et je t’écoute,

Et je t’entends me dire :

« Je suis désolée de t’avoir laissée seule sur ce chemin. »

Je marche avec toi Maman

Dans le parc roux de l’automne

La tristesse l’habite quand chênes et érables perdent leurs feuilles.

Je parle avec toi Maman, et je t’écoute,

Et je t’entends me dire :

« Je suis désolée de t’avoir laissée seule sur ce chemin. »

Oui, tu aurais pu rester plus longtemps

Pour me consacrer plus de temps,

Tu n’as même pas attendu de dire adieu

Pourquoi tant de folle précipitation ?

Je reste avec tant de questions,

Avec tellement d’amour à donner encore.

D’une certaine façon j’en suis arrivé à comprendre maintenant,

Bien qu’il semble que je n’aille nulle part.

Je marche avec toi Maman,

Sur une route qui connait le voyage

Retraçant chaque pas

Chaque dimanche dans le parc.

Je parle avec toi Maman,  et je t’écoute,

Et je t’entends me dire :

« Je suis désolée de t’avoir laissée seule sur ce chemin. »

Compositeur : Benny Andersson, LE compositeur du célèbre groupe ABBA.

Mezzo-soprano : Anne-Sofie Von Otter.

Von Otter - Let the music speak

La musique est extraite de ce disque


Après l’amour… Danser

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Même quand nous dormons nous veillons l’un sur l’autre
Et cet amour plus lourd que le fruit mûr d’un lac
Sans rire et sans pleurer dure depuis toujours
Un jour après un jour une nuit après nous.

Paul Eluard – "Le dur désir de durer"


Après l’amour… Chanter

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Ta cigarette après l’amour
Je la regarde à contre-jour
Mon amour.
C’est chaque fois la même chose
Déjà tu penses à autre chose
Autre chose.
Ta cigarette après l’amour
Je la regarde à contre-jour
Mon amour.
Il va mourir avec l’aurore
Cet amour-là qui s’évapore
En fumée bleue qui s’insinue.
La nuit retire ses marées
Je n’ai plus rien à déclarer
Dans le jour j’entre les mains nues.
Ta cigarette après l’amour
Je la regarde à contre-jour
Mon amour.
Déjà tu reprends ton visage
Tes habitudes et ton âge
Et ton âge.
Ta cigarette après l’amour
Je la regarde à contre-jour
Mon amour.
Je ne pourrai jamais me faire
A ce mouvement de la terre
Qui nous ramène toujours au port.
Aussi loin que l’on s’abandonne
Ni l’un ni l’autre ne se donne
On se reprend avec l’aurore.
Ta cigarette après l’amour
S’est consumée à contre-amour
Mon amour.



Le vieux fantôme et les fées du château

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Plus personne, et depuis fort longtemps, ne vient visiter le vieux château oublié, île promontoire perdue au milieu des marées de fougères sauvages qui houlent les hautes terres. Abandonné à ses vieux souvenirs, il occupe son éternité, indolent moribond, à offrir à la caresse apaisante du soleil perpétuellement automnal de la lande, les cicatrices profondes de sa pierre, médailles commémoratives de sa bravoure passée.

Dans ses longs corridors qu’imprègne encore l’odeur d’herbes séchées de la tourbe qui se consumait alors dans les larges cheminées des salons, le vieux fantôme de Jonathan-Edgar Lewillin Brandon s’ennuie. Il s’ennuie depuis longtemps… Depuis que personne ne tremble plus, la nuit, au martèlement sourd et régulier du bois de sa jambe gauche sur les vieilles lattes des parquets.

Bataille navale XVIII

Bataille de Trafalgar par Auguste Mayer – 1836

Il faut dire qu’il en a fait frémir de peur des visiteurs du château, ô combien, et de tout grade et de tout poil, le fantôme du vieux  " Brave Jed peg leg "  (Courageux Jed jambe de bois). C’est ainsi que l’avaient surnommé entre eux, en hommage à la vaillance de leur Commodore, les dévoués équipages qui se battaient sur sa caravelle en octobre 1805, à Trafalgar, sous le haut commandement du Vice-Amiral Nelson.

Clavecin

Le seul loisir que l’on connut jadis au renfermé Jonathan-Edgar était son clavecin. Il le transportait partout avec lui, même, et surtout, dans les étroites cabines des bâtiments qui lui servaient de résidence une bonne partie de l’année. Et chaque soir, les hommes épuisés par leur rude journée de navigation ou de combat, affalés dans chaque recoin du pont, percevaient dans le calme enfin revenu les échos des pincements stridents des cordes qui montaient des cabines. Scène surréaliste. Bach ! Jean-Sébastien Bach, dont ils ignoraient tout, et de son nom et de son existence, et à fortiori de sa musique, venait apaiser leurs oreilles agressées par les canonnades du jour.

Bach-Clavier-bien-tempere-Ms-Londres-Prelude-en-ut-maJonathan-Edgar avait depuis l’enfance trouvé refuge à son introversion naturelle dans l’irrépressible passion qu’il vouait aux préludes et fugues du " Clavier bien tempéré ". Sa mère, très tôt, lui en avait donné le goût et lui avait appris à les jouer avec grâce, nonobstant le manque évident de virtuosité de ses doigts un peu trop courts. Jamais jusqu’à cette nuit de Noël 1811, où son propre sabre d’abordage,  brandi à deux mains par son épouse prise de démence, le frappa sept fois à mort dans son propre lit, ici même, dans la chambre bleue de ce château, Jonathan-Edgar ne cessa d’interpréter les deux cahiers du Cantor qu’il admirait tant.

Mais les fantômes ne jouent pas de clavecin, et quand ils n’effraient plus personne, ils s’ennuient.

Un soir, il y a quelques années, le château connut une semaine d’exceptionnelle et extrême animation. Un metteur en scène en vogue dans le monde londonien des faiseurs d’évènements décida de réaliser un spectacle son et lumière autour du vieux fort, utilisant les plus modernes technologies du son et de l’image. La semaine de préparatifs fut si animée et si étrange, et la réalisation si extraordinaire de réalisme grâce aux artifices prodigieux des moyens utilisés que Jed, fasciné, en oublia de profiter de l’occasion pour remplir sa mission de fantôme. Il y trouva toutefois matière à convertir en bonheur nouveau son triste quotidien.

Quelques temps après le succès de l’évènement dont toute la presse se fit l’écho, Jed décide de prendre contact avec sa hiérarchie nébuleuse. Il souhaite en obtenir aide et appui pour mettre au point le formidable projet que lui a inspiré le spectacle récent. Le fantôme, d’un coup, est passé maître en l’art du marketing. Il prétend qu’il faut créer un évènement permanent, moderne, unique et exceptionnel pour que reviennent les visiteurs au château abandonné ; qu’il faut employer les techniques d’aujourd’hui pour relancer la curiosité du public que n’aiguisent plus vraiment les hululements nocturnes des vieux ectoplasmes dépassés ; qu’il faut, puisqu’il a compétence en la matière, s’adosser, dans le cas qui le préoccupe, au pouvoir magique de la musique de Bach pour exhorter et séduire le visiteur.

L’audace de son projet convainc. Les instances supérieures, conscientes de la nécessité de s’adapter au siècle nouveau, acceptent de mettre à sa disposition les moyens vidéos les plus récents nécessaires à la réussite de son idée révolutionnaire. Quelques mois se passent pendant lesquels, imperceptiblement, le château se transforme.

Un jour, un curieux, égaré dans la lande,  franchit la porte du château, pénètre jusqu’au premier salon seulement meublé d’un immense piano à queue. A peine a-t-il passé la porte qu’une voix douce de femme donne quelques explications sur le prélude et la fugue de Bach qu’elle va interpréter, puis, telle une fée dans sa robe d’apparat elle s’assoit et joue.

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Et ainsi dans chaque salon, une vidéo hyperréaliste se déclenche à chaque passage pour le plaisir du visiteur et l’enchantement éternel du vieux Jed.

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Et, quand la témérité du visiteur le conduit jusqu’aux sombres profondeurs voûtées du château, l’émerveillement continue. Le fantôme claudiquant s’efface devant la fée des caves, " very british accent " ,  jean , baskets… et doigts de circonstance.

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Le visiteur égaré a raconté…

Il a dit que les fées s’appelaient Angela Hewitt et Joanna MacGregor…

Il paraît que la commune s’apprête à refaire la route qui mène au vieux castel "hanté"… par la musique.


Sous la pluie : Aimer… Danser

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Quand, paradoxalement, la pluie catalyse la passion des corps, elle confère à la grâce de leurs mouvements la sensualité des modulations d’une harmonie divine.

Le chorégraphe, sculpteur des corps, mais aussi jongleur d’âmes, se pose ainsi en demi-dieu.

HD disponible (Roue dentelée en bas à droite de l’image en mouvement)

Vidéo : " Passage "  –  Musique et réalisation de  Fabrizio Ferri

Danseurs : Polina Semionova & Roberto Bolle


La nuit 19 – Ivresse, extase infinie

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Je dédie cette vidéo à tous les nombreux jeunes béotiens qui, la nuit de la " fête de la musique " , la mal nommée, se sont imbibés d’alcool, sans but ni raison, de façon immonde et ridicule, sous ma porte depuis 5 heures de l’après midi, au rythme incessant, primaire, binaire, horrible et insupportable des vibrations de basses martelées dans l’air par des platines rudoyées et des boomers épuisés et épuisants de vieilles enceintes aussi noires que les percussions imbéciles et artificielles qu’elles ont produites sans discontinuer une seule seconde toute la nuit, ou presque, au mépris nihiliste de tout ce qui était supposé vivre dans un large périmètre alentour.

Je dois à leur dégénérescence – tant à la leur qu’à celle encore plus sordide de ces incapables qui ont permis, par lâcheté politique, pareille manifestation en pareil endroit -, une nuit d’agressions qui ont fait de quelques uns de mes voisins et de moi-même, les victimes impuissantes de spécimens de mutants, hélas toujours plus nombreux désormais, qui lestent notre société d’un tel poids de bêtise désespérée qu’elle ne peut que maintenir notre monde dans les profondeurs abyssales de sa démence devenue irréversible.

O tempora, O mores !

Si un seul d’entre ces enfants de race humaine pouvait apercevoir dans ce duo d’amour – à condition qu’il en écoute déjà les cinq premières mesures – une fraction infinitésimale de la beauté possible du monde véhiculée par la seule musique, minuscule échappatoire à la désastreuse vulgarité dévastatrice de l’espèce, ma colère, mon incurable pessimisme et ma mauvaise humeur de "vieillard" définitivement misanthrope n’auront pas été vains.

Et si, s’aventurant, par extraordinaire, un peu plus loin dans l’écoute, cette jeunesse entrapercevait une autre voie vers l’ivresse…  Pardon ! Le rêve m’emporte.

Les Troyens_à_Carthage_1863_poster_by_P_Leray_-_Ian_Kemp_1988_cover

Avec ceux qui refusent ce terrible fléau moderne, le bruit, surtout lorsque l’atrophie des sens s’acharne à le nommer "musique",  je partage cette merveilleuse " Nuit d’ivresse et d’extase infinie " extraite des " Troyens " d’Hector Berlioz, opéra monumental inspiré de l’Éneïde du célèbre Virgile, que le compositeur considéra comme l’œuvre de sa vie. Après sa réalisation, Berlioz, qui depuis l’enfance était fasciné par cet univers antique dira : " J’ai passé ma vie avec ce peuple de demi-dieux, je me figure qu’ils me connaissent tant je les connais moi-même. "

Acte IV. Didon et Énée se retrouvent pour jouir ensemble, unis par leur amour, de cette nuit enchanteresse qui les embrasse tendrement.

C’est un des duos les plus applaudis des scènes d’opéra, et ce succès n’est certes pas usurpé. Surtout quand Didon est chanté par Susan Graham à la diction française exemplaire, et quand la voix d’Énée est celle du ténor américain, lui aussi très heureux interprète du répertoire français, Gregory Kunde.

Ce moment de délice pour balayer l’horreur d’une terrible nuit.

Mais le mal est sans doute plus ancien, consubstantiel, faut-il le croire, à la nature humaine, car Berlioz disait déjà avant d’entreprendre l’écriture de cette grandiose composition, " Les Troyens ", que " le magnifique, la grandeur et la puissante émotion " d’une telle œuvre devraient immanquablement faire que les parisiens la trouveraient "fade et ennuyeuse" .

Mais pas nous, n’est-ce pas ? Parisiens ou non ! Qui aimons La Musique.

Nuit d’ivresse et d’extase infinie !
Blonde Phoebé, grands astres de sa cour,
Versez sur nous votre lueur bénie ;
Fleur des cieux, souriez à l’immortel amour !


La nuit 20 – Jour et nuit

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James Abbott Whistler - Nocturne en gris et or  Canal en Hollande

James Abbott Whistler – Nocturne en gris et or Canal en Hollande

Jour et nuit

Ma jeunesse a été si absolument pure :
j’ai traversé la nuit sans craindre de mourir
quand la nuit n’était rien qu’absolument la nuit,
j’ai marché dans la nuit sans douter de l’aurore
lorsque la nuit doutait de ses propres étoiles.
J’ai marché dans la nuit comme au milieu du jour :
le ciel était couvert entièrement d’étoiles,
les étoiles éclairaient autant que le soleil,
ce terrible soleil qui éclaire la nuit.
La nuit me consacrait ses heures les plus belles,
la nuit avait pour moi la beauté de l’azur,
je buvais la rosée dans la coupe des roses,
les étoiles étaient aussi jeunes que moi.
La beauté jour et nuit se tenait près de moi :
je craignais la beauté plus que ma propre mort,
je ne préférais rien à la beauté des anges.
La neige jalousait la pureté de l’âme :
la neige me devait en partie sa beauté,
la neige qui laissait sa beauté dans mon âme.

Lydie Dattas  ("Le Livre des Anges II" -  Arfuyen, 1995)

 

 

 


Il était une voix…

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- De la musique ancienne ?

- Musique folklorique roumaine peut-être ?

- Fado, dites-vous ?

- Du jazz, bien sûr ! Et même du blues !

Un heureux mélange de tout cela, très certainement, avec en prime une nette influence de celle dont la voix a laissé dans le cœur des roumains un souvenir inoubliable, Maria Tanase. Voilà comment on pourrait définir la personnalité musicale multiple et l’extrême talent vocal de Maria Raducanu, venue de sa Moldavie natale, tout à l’Est de la Roumanie, nous caresser les tympans.

Si cette voix n’est pas pour vous, fidèle de ces pages, une découverte, je gage qu’elle sera l’occasion d’un plaisir renouvelé. Comment ne pas succomber au charme de sa profonde douceur et à la lumière de ses tendres couleurs,tantôt pastels de l’enfance qui s’éloigne, tantôt clair-obscur nostalgique d’un souvenir amoureux qui se faufile entre les frissonnements d’une corde de guitare.

Et toujours, pour l’accompagner, le raffinement de musiciens de grande qualité. Comme ici, en Corse, il y a quelques années.

Quand je t’ai connue, Cristina, tu avais de beaux cheveux
Et une fleur de pommier légèrement y flottait.

Quand tombe le soir sur Bucarest,
Je regarde les filles et m’aperçois que tu n’es plus là.

Une ancienne chanson roumaine, "Doina", sur des images tirées d’un des premiers films – "Nocturne"-  en 1980, d’un jeune cinéaste "prometteur", Lars Von Trier.

Écoutez, bonnes gens! Écoutez!
Mes parents m’ont mariée avec un gars fortuné,
mais si laid, mon Dieu! si laid!
Écoutez-en encore une
Quand il venait à la brune, je palissais comme la lune.
Mon sang se figeait d’horreur! Mes yeux s’emplissaient de pleurs.
Jamais il ne me parlait, c’est au chat seul qu’il causait.
Sa chemise quand je la lavais, sur des ronces je la jetais,
à la bise je la séchais, de mes poings je la lissais.
Et tout le jour j’y chantais:
«Mon mari, maudit sois-tu, toi d’abord et tes écus,
car tu as fait mon malheur et tu m’as brisé le cœur.
Et d’avoir tellement pleuré, mon visage s’est tout ridé.
T’as eu la mauvaise idée d’acheter l’épousée
comme on achète au marché un petit cochon de lait.
Pourquoi n’avoir pas acheté de la corde aux grains serrés,
de la corde au chanvre fin pour te pendre haut et bien?
Et alors? Eh bien voici qui qu’ j’aurais pris pour mari
le plus beau gars, le plus doux aussi, même s’il n’avait pas le sou.
Quand il viendrait à la brune, moi heureuse, comme pas une heure
je sentirais dans mon cœur la joie grandir comme une fleur.
Sa chemise, je l’aurais lavée au petit jour dans la rosée.
Mon souffle l’aurait séchée et mes cils l’auraient lissée.
De fleurs j’l’aurais parfumée.»
Voilà ce que j’y chantais et croyez-le, si vous voulez,
j’y ai aussi tellement chanté, qu’à la fin c’est ce qu’il a fait:
tout a coup, un beau jour il s’est pendu haut et court.

(Traduction française tirée du livret du CD "Malédiction d’amour" – Paroles chantées en français par Maria Tanase)

Et, parce que je n’ai personnellement aucune envie d’arrêter là ma gourmandise, un célèbre "Negro Spiritual", pour qu’il nous engage tous vers un superbe week-end.


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