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Channel: Perles d'Orphée
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Au magasin de jouets

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Encore quelques jours avant le 25 décembre. Et vous n’avez pas encore rempli votre hotte de Père Noël.

Voici qui devrait vous aider à faire vos choix… Surtout si vous avez décidé d’offrir à vos enfants une batterie ou un tambour. La méthode est infaillible pour tester ce genre de jouets…

Essayez donc!

Peut-être finalement emporterez-vous le lapin en peluche qu’en vérité vous étiez venu chercher?



"I have a dream…"

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Oui, je fais ce rêve de voir et d’entendre un jour le peuple de France, conduit par la seule baguette d’un chef d’orchestre, réuni par la musique dans tous les coins du pays, autour de son unique drapeau, chanter d’un seul chœur en liesse, fier et enthousiaste,  "Tu ne marcheras plus tout seul", comme le font les anglais, ici en 2013 avec la merveilleuse Joyce Di Donato, à la fin du concert annuel des "Proms" au Royal Albert Hall de Londres. (Et ils ne chantent pourtant pas encore le "Rule Britannia", ni même le "God Save The Queen"…).

Un chant de paix, pour tous, et surtout contre personne ; loin des temples, sans ballon, sans fusil, sans victoire, sans défi, sans vengeance ; un chant, tout simplement pour chanter… ensemble.

"Seule l’utopie du futur réconforte contre le pessimisme de l’Histoire" (Elisabeth Badinter)

Le chant commence à 2’40

Mélodie extraite de la comédie musicale, "Carousel"  (Carrousel en français) de Richard Rogers et Oscar Hammerstein (1945).

Quand tu marches à travers une tempête, garde la tête haute
Et n’aie pas peur du noir
A la fin de la tempête se trouve un ciel d’or
Et le doux chant d’une alouette
Marche à travers le vent
Marche à travers la pluie
Même si tes rêves ont été ballottés et soufflés au loin
Marche, marche avec l’espoir au cœur…

Et tu ne marcheras jamais seul


Livre – Vivre

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Juan Gris - Le livre ouvert 1925

Juan Gris – Le livre ouvert 1925

"Le bruit du livre : une page que l’on tourne.
"Le silence du livre : un page que l’on lit.
"Comme si le passage du silence au silence
"Ne pouvait se faire sans quelque gémissement."

Edmond Jabès  ("Le livre du partage")

δ

Juan Gris - Le livre 1911

Juan Gris – Le livre 1911

"Pouvoir, comme on ferme un livre, clore, un jour, ma vie,
"Persuadé qu’à l’intérieur de cette clôture, un trésor est toujours caché."

Fernando Pessoa


Traversons la mer rouge

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Alors que je déjeunais hier avec quelques anciens camarades, l’évocation de certains souvenirs des temps actifs que nous partagions jadis et notre regard d’ancêtres sur le monde d’aujourd’hui, fit sauter à ma mémoire cette petite histoire qui nous a, et nous avait alors, beaucoup amusés. Je ne résiste pas au plaisir de la partager ici :

Voilà bien des années (une quarantaine, bon poids!), nous assistions à une conférence de Pierre Salinger, sur le thème de la communication.

Salinger-pierre-jfkPierre Salinger : journaliste américain et conseiller en communication, très engagé au sein du clan Kennedy, avant même l’élection de JFK à la présidence des États-Unis.

Il se proposait, ce jour-là, de montrer le pouvoir grandissant de la communication qui, disait-il alors, ne tarderait pas à devenir majeur et déterminant, compte tenu, entre autres, de la croissance exponentielle des technologies. – En ces temps là, un ordinateur de plusieurs tonnes, nécessitant pour fonctionner une salle "réfrigérée", spécialement aménagée, de plusieurs centaines de mètres carrés et une équipe d’ingénieurs pointus, développait mille fois moins de performances que le PC ou le Mac que nous posons négligemment sur le bras de notre canapé le temps de répondre à un SMS, l’œil rivé sur le lanceur de javelot polonais qui fracasse en direct le record olympique sur notre écran de télévision.

Selon la bonne habitude des conférenciers américains de commencer par dérider leur public, Salinger ouvrait son discours avec cette petite histoire drôle, représentant de façon caricaturale la thématique à venir :

Moise2

Le peuple juif, avec Moïse à sa tête,  fuit l’Égypte des pharaons qui le tient depuis longtemps en esclavage. Dans cette fuite précipitée, sans relâche, il avance vers les rives de la Mer Rouge. Mais les troupes que le pharaon a envoyées à sa poursuite se rapprochent et le danger d’être rejoint et massacré devient imminent. Danger d’autant plus grand que désormais la Mer Rouge, obstacle infranchissable, retient ce peuple sur ses rives. Pour échapper à la barbarie des soldats qui ne sont plus qu’à quelques jours de marche, il n’y a d’autre salut que de traverser les eaux.

Moïse est perplexe, soucieux, inquiet. Comment faire?

Il fait appeler son "Chef du Génie" et lui demande de construire sous bref délai un pont pour rejoindre l’autre rivage. La réponse est terrible : ni le temps, ni les moyens. Impossible!

Il fait alors appeler son "Amiral en chef", et lui demande de réaliser au plus vite un pont de bateaux entre les deux rives. Même impossibilité.

La situation est catastrophique.

Dans un dernier sursaut d’espoir, Moïse fait venir son "Attaché de presse" qui lui parle ainsi :

- Moïse, place-toi face à la mer, fier et majestueux comme tu sais l’être, et ouvre largement ton bras gauche. Puis ouvre largement ton bras droit. Les eaux s’écarteront de chaque côté et formeront ainsi un couloir salvateur dans lequel tu pourras en toute sécurité engager ton peuple vers le rivage opposé.

- Et tu penses que ça va marcher? demande Moïse.

- Je ne sais pas, répond l’Attaché de presse, mais, si c’est le cas, je te garantis deux pleines pages dans l’Ancien Testament.

Moïse - mer rouge


"Ah, Dieu, que la guerre est jolie!"

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"Ah, Dieu, que la guerre est jolie!"

Sans doute pas celle d’Apollinaire, non, mais certainement celle où la bataille fait rage sur la scène d’un théâtre quand les combattants ne sont autres que trois belles jeunes femmes aux voix d’or, prêtes à tout pour occuper la place tant convoitée de la Diva.

Quand les belligérantes de charme ont emprunté leurs uniformes aux opéras de légende, comme Sylvia Schwartz, qui, pour nous enjôler, a cousu sa robe dans la mantille en dentelles de la séduisante Carmen, comme Annette Dasch, préférant nous impressionner, qui a endossé le costume guerrier de la très wagnérienne Brünnhilde, chef des Walkyries, ou comme Daniela Fally qui a pris, pour la circonstance, le costume de la malicieuse Adèle, servante de Rosalinda dans la célébrissime "Chauve-souris" (Die Fledermaus) de Johann Strauss II

Toutes trois, pour briller, rivalisent de mauvais coups en interprétant une pièce composée sur un poème de Goethe par Friedrich Curschmann, chanteur et compositeur allemand de la première moitié du XIXème siècle, qui n’a pas fait forte impression à la seconde, ni à la postérité d’ailleurs.

Ah, Dieu que la guerre est jolie!

… En dentelles… et en sourire majeur!

JOYEUX   NOËL !


Merry Christmas !

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Chestnuts roasting on an open fire,
Des châtaignes rôtissent sur la cheminée
Jack Frost nipping at your nose,
Le froid te pince le bout du nez
Yuletide carols being sung by a choir,
Un chœur chante des chants de Noël
And folks dressed up like Eskimos.
Et des gens sont déguisés en Esquimaux.

Everybody knows a turkey and some mistletoe,
Tout le monde sait qu’une dinde et du gui
Help to make the season bright.
Ravivent la saison
Tiny tots with their eyes all aglow,
Des petits enfants, les yeux qui brillent
Will find it hard to sleep tonight.
Auront du mal à dormir ce soir.

They know that Santa’s on his way;
Ils savent que le Père Noël est en route
He’s loaded lots of toys and goodies on his sleigh.
Il a chargé son traîneau de jouets et de cadeaux
And every mother’s child is going to spy,
Et tous les enfants essaieront de voir
To see if reindeer really know how to fly.
Si les rennes peuvent vraiment voler

And so I’m offering this simple phrase,
C’est ainsi que j’offre ces simples mots
To kids from one to ninety-two,
Aux enfants de un à 92 ans,
Although its been said many times, many ways,
Bien qu’on l’ait déjà dit plusieurs fois et de 36 manières

A very Merry Christmas to you !

Je vous souhaite un très Joyeux Noël !


"Le son m’enfante…"

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Pour marquer mon dernier voyage de cette courte année chez mes amis "Les Cosaques"  je voulais que la perle musicale que j’y déposerais exprimât avant tout le sentiment d’une profonde humanité qu’aucune frontière ne retînt.

Il fallait que le poème, la musique, l’interprète et son message fusionnassent en une émotion unique, forte, juste, qui, sans détour, au-delà du langage, pût sensuellement pénétrer l’âme de chacun.

Je désirais enfin que cette perle servît d’illustration à ce vers du "Cimetière marin" de Paul Valéry  :  "Le son m’enfante et la flèche me tue"  ; afin qu’à l’orée et à l’instar d’une nouvelle année, elle nous fasse à la fois naître et mourir… pour qu’ensemble nous renaissions de son partage, au moins le temps d’un frisson.

Buika03J’ai donc déposé sur cette page des "Cosaques", une perle noire, de culture arlequine, qui laisse échapper de son écrin les accents magiques et indéfinissables d’une âme en permanente errance entre naître et mourir : le "duende".

 

"Oro santo"

Cliquez sur le titre ci-dessus


L’art de perdre…

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Quand le sujet qu’on choisit pour son article trouve des échos multiples dans des domaines aussi variés que la poésie, l’histoire de la littérature américaine ou le cinéma brésilien, la tentation est forte de vouloir être exhaustif (ou presque), au détriment, souvent, de la simplicité et de la concision que suppose l’exercice. Façon d’annoncer, comme une excuse, que ce billet pourrait bien être un peu long.

Elizabeth Bishop (1911-1979)

Elizabeth Bishop (1911-1979)

L’art de perdre, c’est d’abord une philosophie, un mode de vie, mais c’est aussi ce beau poème, "One art" , d’une immense poétesse américaine du XXème siècle, Elizabeth Bishop qui enseignait dans les années 70 à la Harvard University puis au Massachusetts Institute of Technology, après avoir obtenu, entre autres reconnaissances exceptionnelles, le Prix Pulitzer de Poésie (1956).

C’est à son talent que l’on doit les premières traductions en anglais du poète mexicain Ottavio Paz.

Elizabeth Bishop ne voulait en aucune manière qu’on la qualifiât de "poétesse" ou de "poète féministe", et refusait de figurer à ces titres dans une quelconque anthologie ; seul suffisait, disait-elle, qu’on l’appelât "poète".

Elle aimait à citer à ses étudiants cette remarque de Paul Valéry : "Un poème n’est jamais fini, seulement abandonné."

&

One art

The art of losing isn’t hard to master;
so many things seem filled with the intent
to be lost that their loss is no disaster.

Lose something every day. Accept the fluster
of lost door keys, the hour badly spent.
The art of losing isn’t hard to master.

Then practice losing farther, losing faster :
places, and names, and where it was you meant
to travel. None of these will bring disaster.

I lost my mother’s watch. And look! my last, or
next-to-last, of three loved houses went.
The art of losing isn’t hard to master.

I lost two cities, lovely ones. And, vaster,
some realms I owned, two rivers, a continent.
I missed them, but it wasn’t a disaster.

…Even losing you (the joking voice, a gesture
I love) I shan’t have lied. It’s evident
the art of losing’s not too hard to master
though it may look like (Write it!) like a disaster.

Elizabeth Bishop (Traduction française à la fin du billet)

&

C’est un épisode majeur de sa vie que le cinéaste brésilien Bruno Barreto ("4 jours en septembre" , "Dona Flor et ses deux maris"), a présenté récemment, sous le titre brésilien "Flores Raras" ou américain, "Reaching for the moon" (Atteindre la lune). Un film émouvant, à la fois sensuel et poétique, sur la période brésilienne d’Elizabeth Bishop dans les années 1950-60. (Film non sorti en France)

Reaching for the Moon Écrit à partir du livre biographique de Carmen Oliveira, paru en 1995, ("Rare and commonplace flowers"), et servi magnifiquement par deux actrices sensibles et justes, ce film raconte l’histoire réelle de la relation saphique et passionnée que vécut pendant quinze ans Elizabeth Bishop – partie, en mal d’inspiration, se ressourcer au Brésil – avec l’architecte renommée de Rio de Janeiro, Lota de Macedo Soares.

Le film s’ouvre sur les vers d’une première version du poème "L’Art de perdre" lu par l’auteure. Mais la perdante n’est pas celle que l’on croit au demeurant ; c’est Mary, l’amie à qui Elizabeth est venue rendre visite, et dont elle découvre qu’elle est la compagne de Lota.

Si les premières rencontres entre Elizabeth et Lota confinent à l’affrontement, très vite la barrière de glace qui sépare les deux femmes aux tempéraments diamétralement opposés va fondre sous les chaleurs de plus en plus intenses de la passion qui les pousse l’une vers l’autre, reléguant Mary dans la coulisse de leur histoire. – Lota lui "achètera" un enfant pour apaiser sa tristesse d’avoir été abandonnée.

Choyée par Lota, Elizabeth s’épanouit au Brésil, elle écrit, obtient des récompenses à foison – dont son Prix Pulitzer – mais son alcoolisme, les ressentiments de Mary et les difficultés professionnelles de Lota dans la construction du Parc Flamengo à Rio, auront raison de ces temps heureux. La séparation devient inéluctable, Elizabeth retourne enseigner aux États-Unis, Lota affaiblie jusqu’à la dépression par sa passion amoureuse la rejoint et se suicide.

&

Deux merveilleuses actrices, Miranda Otto incarnant Elizabeth, et Gloria Pires dans le rôle de Lota, nous emportent à travers les paysages de rêve de Rio de Janeiro dans les émois sensuels de leur intimité. L’authenticité des personnages passionnés qu’elles incarnent nous interroge en permanence, au-delà de leur histoire, sur les moteurs véritables de la création.

Deux fleurs rares, assurément.

Lota de Macedo Soares (1910-1967)

Lota de Macedo Soares (1910-1967)

&

Voici la bande annonce de ce film dont je ne sache pas qu’il existe une version française.

&

Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître ;
tant de choses semblent si pleines d’envie
d’être perdues que leur perte n’est pas un désastre.

Perds chaque jour quelque chose. L’affolement de perdre
tes clés, accepte-le, et l’heure gâchée qui suit.
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître.

Puis entraîne toi, va plus vite, il faut étendre
tes pertes : aux endroits, aux noms, au lieu où tu fis
le projet d’aller. Rien là qui soit un désastre.

J’ai perdu la montre de ma mère. La dernière
ou l’avant-dernière de trois maisons aimées : partie !
Dans l’art de perdre il n’est pas dur de passer maître.

J’ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes,
des royaumes que j’avais, deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n’y eut pas là de désastre.

Même en te perdant (la voix qui plaisante, un geste
que j’aime) je n’aurai pas menti. A l’évidence, oui,
dans l’art de perdre il n’est pas trop dur d’être maître
même si il y a là comme (écris-le !) comme un désastre.

Elizabeth Bishop, Géographie III, traduction de Alix Cléo Roubaud, Linda Orr et Claude Mouchard, Circé, 1991, p. 58 et 59.



Minuit : le temps des baisers

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Gui suspendu2013 est morte!

Vive 2014!

On s’fait la bise ?!

… aux enfers et en musique… Orphée oblige!

Air de Cupidon – Couplet des baisers – extrait de "Orphée aux enfers" (Offenbach) – Soprano Sabine Devieilhe – Direction Marc Minkowski

Pour attirer du fond de sa retraite
Une souris qui cache son museau.
Non loin du nez de la petite bête,
Il faut semer quelques friands morceaux
Je sais un autre stratagème
Qui doit faire de son réduit
Sortir une femme qu’on aime,
Ce stratagème c’est un bruit
Mais il faut que ce joli bruit
Soit bien mignon et bien gentil

Refrain :
Ah
(Bruits de baiser)
Allez-y la p’tit’ bête va répondre au bruit
(Bruits de baiser)

Lorsque l’on veut attirer l’alouette,
On fait briller un miroir à ses yeux
Et sans retard on la voit, la coquette,
En voltigeant accourir à ses feux
Une femme c’est tout de même
Par sa faiblesse qu’on la séduit
Tout ce qu’elle veut
C’est qu’on l’aime
Et c’est ainsi qu’on le lui dit
Mais il faut que cela soit dit
D’un air mignon et bien gentil.

minuit


Minuit une : le temps des voeux

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Excellente Année 2014 !

La tête doucement penchée
comme le front d’un frêle enfant,
la dextre offerte
à l’offrande d’en haut,
l’autre en survol
sur un sol nourricier
et patient,
il tourne,
il tourne et tourbillonne,
continûment,
léger, fluide,
aile gracile caressant le nuage,
obstinément,
rêvant de réunir les deux extrémités
de son infinie
verticalité.

Sur sa robe chamarrée des couleurs
de nos différences
et de nos divisions
se fond et se confond
en une infinité ternaire
le nuancier de nos identités
jusqu’à se dissiper
unifié
dans la blanche paix
des espérances exaucées.

Puisse 2014, à l’instar du "sema" de ce derviche, vous emporter dans son tourbillon entre Esprit et matière, sur le chemin de cette paix indispensable à tous les bonheurs que je vous souhaite!


Les belles qui reposent

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La muse endormie - Constantin Brancusi - 1910

La muse endormie – Constantin Brancusi – 1910

Rien ne m’effraye plus que la fausse accalmie
D’un visage qui dort
Ton rêve est une Égypte et toi c’est la momie
Avec son masque d’or

Où ton regard va-t-il sous cette riche empreinte
D’une reine qui meurt,
Lorsque la nuit d’amour t’a défaite et repeinte
Comme un noir embaumeur?

Abandonne ô ma reine, ô mon canard sauvage,
Les siècles et les mers;
Reviens flotter dessus, regagne ton visage
Qui s’enfonce à l’envers.

Jean Cocteau (In  "PLAIN-CHANT"  Gallimard)

Man Ray

Man Ray

La Nymphe endormie

Vous faites trop de bruit, Zéphire, taisez-vous,
Pour ne pas éveiller la belle qui repose ;
Ruisseau qui murmurez, évitez les cailloux,
Et si le vent se tait, faites la même chose.

Mon cœur sans respirer, regardons à genoux
Sa bouche de corail, qui n’est qu’à demi close,
Dont l’haleine innocente est un parfum plus doux
Que l’esprit de jasmin, de musc, d’ambre et de rose.

Ah que ces yeux fermés ont encor d’agrément !
Que ce sein demi-nu s’élève doucement !
Que ce bras négligé nous découvre de charmes !

Ô Dieux, elle s’éveille, et l’Amour irrité
Qui dormait auprès d’elle a déjà pris les armes
Pour punir mon audace et ma témérité.

Georges de Scudéry (XVIIème)

Un clic sur une image ouvre la galerie :
Alexey Venetsianov 1780-1847 - Fille endormie Anton Einsle (1801–1871) Autriche - Portrait de femme endormie Balthus - Jeune fille endormie Boris Taslitzky - Jacqueline endormie 1932 Bourdelle - Femme endormie Brocky Karoly - XIX Hongrie Courbet - Fileuse endormie Dali - Femme endormie Christopher W. Eckersberg - 1813 Félix Vallotton - Femme endormie 1899 Fernand Pelez (1848-1913) dit "le peintre des humbles" Francine Vanhove  - Sommeil roux  - XXème France Francois Boucher - Etude_de jeune femme endormie Artemisa Gentileschi - Danae (inspirée par Titien) 1612 Gustave Courbet  1819-1877. Gustave Courbet - Paysanne endormie 1853 Jan Van Bijlert 1597-1671 - Berger et fille endormie Léon Bonnat - Fillette endormie 1852 Lucien Grandgérard (1880-1970) - Endormie Léonor Fini - visage_endormi Modigliani - Nu assis (détail) Pietro Rotari - (Vérone 1707 - Saint-Pétersbourg 1762) Renoir - La femme au chat 1880 Sonia Delaunay - Endormie Tamara De Lempicka Simon Vouet XVIIème Egon Schiele -1911- Mère de l'artiste endormie Johannes_Vermeer - Femme endormie à table (détail) Claude-Marie Dubufe - 1790-1864

Don de soi

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Don de soi

Après tant de rappels frénétiques, Virginia, l’incomparable pianiste, demeura perplexe. Le public réclamait encore, il trépignait. Alors lui vint une idée : elle ôta délibérément sa robe et se remit au piano.
Ah ! Jouer du Fauré en petite chemise. Jamais elle n’avait atteint cette finesse de touche, cette légèreté…Quel délire dans la salle !
Non, non, ce n’était pas assez. Alors elle ôta sa petite chemise, son corset et ses bas, et se remit au piano.
Tous les oiseaux du désir, d’un coup d’aile, se blottirent dans son soutien-gorge.
Ah ! Jouer du Manuel de Falla en soutien-gorge. Jamais, jamais la chair et le sang n’avaient donné une telle frappe à son jeu. Les accords flambaient dans les entrailles des auditeurs.

Non, non, ce n’était pas assez.
Alors elle enleva son soutien-gorge et se remit au piano.

Un grand cri traversa la salle : « Je suis sa mère » hurlait une femme, « tout de même, je suis sa mère ! ».
Mais le public : « Encore, encore ! »
Alors, Virginia ôta son slip qu’elle jeta dans la foule comme une fleur, et se remit au piano.
Musique aussi dépouillée résonna-t-elle ainsi dans le cœur des hommes ?
Schönberg avait du génie.
Lorsque, éclatante et nue, elle salua de nouveau, l’enthousiasme, à son comble, n’était qu’une épée dirigée contre son être. Alors Virginia, sublime, se jeta tête première dans le ventre du piano. Le couvercle se rabattit sur elle dans un coup de tonnerre
Quatre hommes de main survinrent qui emmenèrent le cercueil.
                                                                                                                                                          René de Obaldia

Nu au piano


Le ciel de la mémoire

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En amical écho à la touchante réflexion de Jan – créateur du blog "Les cosaques des frontières" -  dans son billet :

"Le bonheur et la souffrance d’une bonne mémoire"

Marcel_Proust

Je contemple souvent le ciel de ma mémoire

Le temps efface tout comme effacent les vagues
Les travaux des enfants sur le sable aplani
Nous oublierons ces mots si précis et si vagues
Derrière qui chacun nous sentions l’infini.

Le temps efface tout il n’éteint pas les yeux
Qu’ils soient d’opale ou d’étoile ou d’eau claire
Beaux comme dans le ciel ou chez un lapidaire
Ils brûleront pour nous d’un feu triste ou joyeux.

Les uns joyaux volés de leur écrin vivant
Jetteront dans mon cœur leurs durs reflets de pierre
Comme au jour où sertis, scellés dans la paupière
Ils luisaient d’un éclat précieux et décevant.

D’autres doux feux ravis encor par Prométhée
Étincelle d’amour qui brillait dans leurs yeux
Pour notre cher tourment nous l’avons emportée
Clartés trop pures ou bijoux trop précieux.

Constellez à jamais le ciel de ma mémoire
Inextinguibles yeux de celles que j’aimai
Rêvez comme des morts, luisez comme des gloires
Mon cœur sera brillant comme une nuit de Mai.

L’oubli comme une brume efface les visages
Les gestes adorés au divin autrefois,
Par qui nous fûmes fous, par qui nous fûmes sages
Charmes d’égarement et symboles de foi.

Le temps efface tout l’intimité des soirs
Mes deux mains dans son cou vierge comme la neige
Ses regards caressants mes nerfs comme un arpège
Le printemps secouant sur nous ses encensoirs.

D’autres, les yeux pourtant d’une joyeuse femme,
Ainsi que des chagrins étaient vastes et noirs
Épouvante des nuits et mystère des soirs
Entre ces cils charmants tenait toute son âme

Et son cœur était vain comme un regard joyeux.
D’autres comme la mer si changeante et si douce
Nous égaraient vers l’âme enfouie en ses yeux
Comme en ces soirs marins où l’inconnu nous pousse.

Mer des yeux sur tes eaux claires nous naviguâmes
Le désir gonflait nos voiles si rapiécées
Nous partions oublieux des tempêtes passées
Sur les regards à la découverte des âmes.

Tant de regards divers, les âmes si pareilles
Vieux prisonniers des yeux nous sommes bien déçus
Nous aurions dû rester à dormir sous la treille
Mais vous seriez parti même eussiez-vous tout su

Pour avoir dans le cœur ces yeux pleins de promesses
Comme une mer le soir rêveuse de soleil
Vous avez accompli d’inutiles prouesses
Pour atteindre au pays de rêve qui, vermeil,

Se lamentait d’extase au-delà des eaux vraies
Sous l’arche sainte d’un nuage cru prophète
Mais il est doux d’avoir pour un rêve ces plaies
Et votre souvenir brille comme une fête.

Marcel Proust


Émotion de l’Histoire – Histoire d’une émotion

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" Je n’ai pas de sang juif, que je sache, en mes veines, mais que je sois haï comme si j’étais juif, par chaque antisémite en sa démente haine ; tel est mon vœu de Russe, et russe est mon motif. "  Evgueni Evtouchenko (1961)

Les relents particulièrement pestilentiels des évènements sur-médiatisés de ces dernières semaines, qui gavent les unes de toute la presse de sordides "quenelles" ainsi que de l’antisémitisme et du négationnisme provocateurs d’un mauvais clown en quête de la sympathie et du denier des médiocres, m’ont plongé dans une bien sombre et sans doute inutile méditation.

De ce voyage entre mes souvenirs et l’Histoire, j’aurais au moins fait ressurgir l’émotion inoubliable que je ressentis en un instant unique avec près de 2 000 autres spectateurs, le 10 avril 1995, au Festspielhaus de Salzbourg.

Le génie de la musique au service de l’Histoire et pour la mémoire.

Festspielhaus SalzburgCe soir là, comme chaque soir pendant la semaine du festival de Pâques la salle était comble. En respectueux hommage à la musique, célébrée ici à son degré le plus élevé, chacun avait revêtu sa plus élégante tenue, robe du soir et bijoux, smoking, ou costume traditionnel autrichien.

Pour le concert de cette soirée, le célébrissime Orchestre Philharmonique de Berlin avait invité à sa direction le non moins illustre chef, Sir Georg Solti.

Au programme, Mozart et Chostakovitch. On aurait pu, à première vue, imaginer un concert dédié à la gaité et à l’humour grinçant. Point du tout.

Avec la symphonie N° 25 en sol mineur de Mozart, jouée en première partie, le ton, pour le moins sérieux, de la soirée était donné. Dès les premiers accords de l’Allegro con brio, les musiciens enveloppaient la salle d’un sentiment d’inquiétude, voire d’angoisse, que ne contredit en rien la gravité du deuxième mouvement Andante. Seul le trio à venir, confié aux vents, tentait d’exprimer un peu de gaité, mais l’Allegro final ne tarda pas à recouvrir à nouveau l’auditeur de ce voile ténébreux, préfiguration sonore de la mort à l’affût.

La mort. L’horrible mort!

Babi-yar - peinture

Elle devait, sans voile désormais, trôner sur le théâtre tout entier et s’instiller jusque dans les plus petits recoins de l’âme de chaque spectateur : au programme de la seconde partie, la 13ème symphonie, sous-titrée « Babi Yar », du courageux et très russe Dimitri Chostakovitch. Un monument musical, pour voix de basse et chœur d’hommes, composé en 1962 à partir d’un poème d’Evgueni Evtouchenko à la mémoire de la plus monstrueuse action génocidaire perpétrée par les nazis à l’Est, dans un ravin près de Kiev, nommé "Babi Yar". Façon osée et sincère de la part de deux artistes de compenser le refus des autorités soviétiques de reconnaitre cette tragédie.

"Point de stèle funéraire en mémorial de Babi Yar.
"Rien qu’une falaise abrupte, la plus fruste des sépultures.
"Et m’y voici, épouvanté."

Ainsi commence le poème, ainsi débute la deuxième partie du concert. Dans le silence solennel qui s’installe aussitôt dressée la baguette du chef, la profonde voix de basse du soliste Sergeï Aleksashkin fait tonner les vers russes qu’il déclame jusqu’au bout ; les sonorités de la langue et les intonations de la voix dispensent presque de la traduction.

Alors l’orchestre et le chœur rejoignent le soliste pour un premier mouvement Adagio, au cours duquel les voix reprennent les différentes strophes. Chacune racontant un évènement de l’histoire de l’antisémitisme, le poète se mettant successivement à la place du capitaine Dreyfus, d’une victime du pogrom de Bialystok ou de la jeune Anne Frank.

Contraste délibéré, l’Allegretto du deuxième mouvement, à la fois parodique et satirique glorifie la force indomptable de l’ "humour" – c’est son intitulé -  capable de défier la tyrannie elle-même.

Pendant la dizaine de minutes suivante, l’Adagio "Au magasin" rend un hommage à la femme soviétique en forme de lamento, avant que ne débute le quatrième mouvement "Peurs", introduit par un inquiétant solo de tuba, prémisse d’une nouvelle plongée dans les sombres turpitudes de l’oppression.

Enfin, avec "Carrière", un Allegretto annoncé par la lumière des flûtes en fête, l’espoir semble revenir, et avec lui les sarcasmes du compositeur et son pied de nez ironique à la bureaucratie tatillonne. Les tensions s’apaisent dans la douce mélodie finale et les lents accords tenus des cordes. Par-ci, par-là, un tintement de clochettes, petites fleurs discrètes souriant, indifférentes, à la vie éternellement renouvelée dont elles sont le symbole.

Un dernier tintement, légèrement plus net, met un point final à la symphonie. La baguette du maestro reste levée, tenant suspendu à son extrémité ce silence qui est encore la musique. Quelques secondes pour que chacun se recueille, se retrouve, revienne doucement à sa propre réalité, comme au sortir d’un rêve profond ou d’un moment d’hypnose. Quand elle s’abaissera les musiciens abandonneront leur extrême concentration, le public pourra enfin libérer son expression.

La baguette s’abaisse, mais rien ne bouge. La salle, des deux côtés de la scène, est pétrifiée comme si un torrent de lave pompéienne avait figé l’instant à tout jamais. Pas la moindre toux, pas un souffle, pas une main qui tenterait le moindre applaudissement. L’exceptionnelle interprétation de cette symphonie a décuplé la force de son évocation. Le silence se prolonge indéfiniment. Trente secondes, quarante, peut-être plus, autant dire un siècle.

Puis quelques timides applaudissements dont les auteurs doivent bien sentir qu’ils dérangent et enfin dans un élan collectif dont on aurait pu penser qu’il fût commandé par un quelconque signal, la salle se lève, 2 000 personnes comme un seul homme, dans un tonnerre d’applaudissements et d’ovations sans fin.

Jamais, jamais je n’avais assisté à une telle intensité d’émotion dans une salle de spectacle, et à pareille communion. Je n’ignorais déjà pas, certes, le puissant pouvoir de la musique, mais comment supposer qu’il pût atteindre à ce paroxysme là.

Mon regard s’embrume encore aujourd’hui en écrivant ces lignes. Il se voile, et se voilera toujours, aux premiers accords de "Babi Yar".

***

Orchestre et chœur d’hommes de la Radio néerlandaise – Basse : Sergeï Aleksashkin

Direction Dmitri Slobodeniouk

 I/ Babi Yar  – Adagio (jusqu’à 15’30)

II/ Humour – Allegretto (jusqu’à 23’55)

III/ Au magasin – Adagio (jusqu’à 35’38)

IV/ Peurs -  Adagio (Jusqu’à 46’41)

 V/ Une carrière – Allegretto

***

Un brin d’Histoire

Yevgeny Yevtushenko (né en 1932) Nikita Kroutchev (1894-1971) Dimitri Chostakovitch (1906-1975)

Babi Yar , c’est le tristement célèbre nom d’un ravin (dit de la vieille femme), situé dans la banlieue de Kiev.

Le 29 septembre 1941, jour du Yom Kippour, 33 771 juifs, essentiellement des femmes, des enfants et des vieillards, y furent regroupés, battus, humiliés et dépouillés avant d’être massacrés, à la mitrailleuse et au pistolet, par les Einsatzgruppen nazis – les commandos de la mort – et leurs complices de la police ukrainienne, dans les conditions les plus lâches, les plus horribles et les plus barbares qui se puissent imaginer.

33 771 êtres humains dont le seul "crime" était d’être nés juifs.

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Déniant la qualification raciste de ce massacre, Khrouchtchev refusa que fût édifiée une stèle dédiée à la mémoire des innocentes victimes juives. En réponse à ce déni et pour dénoncer l’antisémitisme russe toujours réellement présent, Evgueni Evtouchenko – qui n’était pas plus juif que ne l’était Chostakovitch – publia en 1961 le poème "Babi Yar". Un poème chargé d’un profond humanisme, dans lequel l’auteur retrace l’histoire des persécutions qui ont frappé le peuple juif depuis ses origines. Un manifeste contre l’antisémitisme sous toutes ses formes.

"Je suis moi-même, je suis moi-même
"Chacun des enfants tués ici
"Je suis moi-même chacun des vieillards tués ici
"De ma vie entière, jamais je n’oublierai"

Chostakovitch, sensibilisé autant par le souvenir historique que par le poème d’Evtouchenko et la justesse de la cause, se propose aussitôt de composer une cantate autour du poème, et très vite, s’inspirant d’autres textes du poète, et travaillant avec lui, élargit son projet jusqu’à écrire sa 13ème symphonie pour voix de basse et chœur d’hommes. L’œuvre fut présentée en décembre 1962 à Moscou par l’Orchestre Philharmonique de la ville, sous la baguette de Kirill Kondrachine. Evgueni Mravinski, qui avait coutume de diriger les créations de Chostakovitch, dont certaines d’ailleurs lui étaient dédiées, refusa de l’interpréter, évitant ainsi les inéluctables critiques acerbes qui ne manquèrent évidemment pas d’accueillir le poème, la symphonie et les deux courageux artistes.

A la fin 1976 les communistes, ne voulant absolument pas mentionner le massacre de la population juive, érigèrent un monument à la mémoire des "100 000 habitants de Kiev"  tués dans ce "fossé de la vieille femme". Les massacres d’autres populations continuèrent longtemps encore, jusqu’en 1943 au moins, dans ce sinistre lieu. C’est seulement en 1991 qu’une stèle en forme de ménorah fut dressée, commémorant spécialement le massacre des juifs de Kiev. Depuis d’autres monuments commémoratifs rappellent les horreurs et la barbarie qui marquèrent à jamais ce ravin…

Pour que chacun se souvienne!…

… Et avec l’espoir, sans doute un peu fou, que cela serve notre présent.


Vieux et…

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A la mémoire de mon "Vieux"

wrinkles

Ô rides de l’aridité
Visage cent fois dévasté
Par des batailles clandestines
Et le coup de dent des ruines.
L’aube fait son état des lieux,
Nous sommes nus sous ses grands yeux
Et voilà qu’elle nous assume
Est-ce ainsi qu’on devient posthume ?
Autrefois en nous attendant
L’avenir était un géant.
Quand il tournait vers nous sa face
L’espace emplissait nos terrasses.
Pressé de devenir passé,
Moitié sombre moitié glacé,
Plus maigre d’aurore en aurore
L’avenir voûté nous ignore.
Le présent l’imite et le fait
Si bien qu’il en est contrefait.
Même quand nous fermons les yeux
Pour le retrouver quelque peu,
Il est si distrait, si peu nôtre,
Qu’il nous confond avec un autre.
Ou bien visage sans paupières,
Pour que son œil soit plus perçant
Il fait main basse sur le sang
Lui qui sait le rendre de pierre.
Il plante ses secrets drapeaux
Qui restent là jusqu’à pourrir
Sur le corps chantant du poète
Hanté de mots qui lui font fête
Profonde, jusqu’à l’abolir

Jules Supervielle

Anonyme espagnol XVII -Tete-de-vieillard Fragonard - Tête de vieillard Boucher -Tête de vieillard Cézanne - Vieillard Fragonard - Vieillard Charles Leandre Ghirlandaio - Vieil homme et l'enfant Léonard de Vinci - les grotesques Pittoni - Vieillard étude Pietro Giacomo Palmieri XVIII - Tête de vieillard Pietro Giacomo Palmieri XVIII Jordaens - Double étude de tête de vieillard Georges de la Tour Jacques Gamelin - Vieillard 1791 Rembrandt - Matthieu évangéliste Rembrandt - Portrait d'un vieillard Rembrandt - Vieillard assis1 Rembrandt (attribué) - Vieillard Van Gogh - Vieux paysan Watteau - Vieillard Jan Lievens - étude vieil homme Collections Bibliothèque Municipale de Rouen.  Photo : Th. Ascencio-Parvy Rembrandt - portrait vieil homme Antoon Van Dyck - Tête de vieil homme barbu VanGogh - Vieil homme triste Rubens - Vieil homme étude Le Titien - autoportrait 1565

Ω



… Vieilles

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A la mémoire de ma "Vieille"

Vieille femme

Les petites vieilles

Dans les plis sinueux des vieilles capitales,
Où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements,
Je guette, obéissant à mes humeurs fatales
Des êtres singuliers, décrépits et charmants.

Ces monstres disloqués furent jadis des femmes,
Éponine ou Laïs ! Monstres brisés, bossus
Ou tordus, aimons-les ! ce sont encor des âmes.
Sous des jupons troués et sous de froids tissus

Ils rampent, flagellés par les bises iniques,
Frémissant au fracas roulant des omnibus,
Et serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques,
Un petit sac brodé de fleurs ou de rébus ;

Ils trottent, tout pareils à des marionnettes ;
Se traînent, comme font les animaux blessés,
Ou dansent, sans vouloir danser, pauvres sonnettes
Où se pend un Démon sans pitié ! Tout cassés

Qu’ils sont, ils ont des yeux perçants comme une vrille,
Luisants comme ces trous où l’eau dort dans la nuit ;
Ils ont les yeux divins de la petite fille
Qui s’étonne et qui rit à tout ce qui reluit.

- Avez-vous observé que maints cercueils de vieilles
Sont presque aussi petits que celui d’un enfant ?
La Mort savante met dans ces bières pareilles
Un symbole d’un goût bizarre et captivant,

Et lorsque j’entrevois un fantôme débile
Traversant de Paris le fourmillant tableau,
Il me semble toujours que cet être fragile
S’en va tout doucement vers un nouveau berceau ;

A moins que, méditant sur la géométrie,
Je ne cherche, à l’aspect de ces membres discords,
Combien de fois il faut que l’ouvrier varie
La forme de la boîte où l’on met tous ces corps.

- Ces yeux sont des puits faits d’un million de larmes,
Des creusets qu’un métal refroidi pailleta…
Ces yeux mystérieux ont d’invincibles charmes
Pour celui que l’austère Infortune allaita !

II

De Frascati défunt Vestale enamourée ;
Prêtresse de Thalie, hélas ! dont le souffleur
Enterré sait le nom ; célèbre évaporée
Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,

Toutes m’enivrent ; mais parmi ces êtres frêles
Il en est qui, faisant de la douleur un miel
Ont dit au Dévouement qui leur prêtait ses ailes :
Hippogriffe puissant, mène-moi jusqu’au ciel !

L’une, par sa patrie au malheur exercée,
L’autre, que son époux surchargea de douleurs,
L’autre, par son enfant Madone transpercée,
Toutes auraient pu faire un fleuve avec leurs pleurs !

III

Ah ! que j’en ai suivi de ces petites vieilles !
Une, entre autres, à l’heure où le soleil tombant
Ensanglante le ciel de blessures vermeilles,
Pensive, s’asseyait à l’écart sur un banc,

Pour entendre un de ces concerts, riches de cuivre,
Dont les soldats parfois inondent nos jardins,
Et qui, dans ces soirs d’or où l’on se sent revivre,
Versent quelque héroïsme au cœur des citadins.

Celle-là, droite encor, fière et sentant la règle,
Humait avidement ce chant vif et guerrier ;
Son oeil parfois s’ouvrait comme l’œil d’un vieil aigle ;
Son front de marbre avait l’air fait pour le laurier !

IV

Telles vous cheminez, stoïques et sans plaintes,
A travers le chaos des vivantes cités,
Mères au cœur saignant, courtisanes ou saintes,
Dont autrefois les noms par tous étaient cités.

Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire,
Nul ne vous reconnaît ! un ivrogne incivil
Vous insulte en passant d’un amour dérisoire ;
Sur vos talons gambade un enfant lâche et vil.

Honteuses d’exister, ombres ratatinées,
Peureuses, le dos bas, vous côtoyez les murs ;
Et nul ne vous salue, étranges destinées !
Débris d’humanité pour l’éternité mûrs !

Mais moi, moi qui de loin tendrement vous surveille,
L’œil inquiet, fixé sur vos pas incertains,
Tout comme si j’étais votre père, ô merveille !
Je goûte à votre insu des plaisirs clandestins :

Je vois s’épanouir vos passions novices ;
Sombres ou lumineux, je vis vos jours perdus ;
Mon cœur multiplié jouit de tous vos vices !
Mon âme resplendit de toutes vos vertus !

Ruines ! ma famille ! ô cerveaux congénères !
Je vous fais chaque soir un solennel adieu !
Où serez-vous demain, Èves octogénaires,
Sur qui pèse la griffe effroyable de Dieu ?

Charles Baudelaire

Giorgione - Vieille femme Artus Wolflort Guido Reni - Portrait d'une vieille femme 1611 - Pinacothèque Bologne Jordaens - Têtes de vieilles femmes 1620 Jean Sixte Cornillon XIX - mine de plomb Gabriel Metsu - Vieille femme méditant Goya - Les vieilles Nicolaes Maes - Vieille femme endormie 1654 Max Liebermann - 1878 Vieille femme avec un chat -JP Getty Museum Nicolaes Eliasz Pickenoy 1591-1656 Marie Benoist 1768-1826 - Sommeils Rubens - Tête de vieille femme Paul Cezanne - Femme au rosaire Paula Modersohn-Becker (1876-1907) Kunsthalle Hambourg Rembrandt - Vieille femme lisant Paula Modersohn-Becker Theodore Gericault - folle monomane Quentin Metsys - Vieille femme se tirant les cheveux Theodore Gericault - La Hyène de la Salpétrière

Ω


Se perdre dans le mouvement

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Se perdre dans la précision du mouvement infiniment maitrisé pour transcender sa réalité et pénétrer, explorateur libre de tout préjugé, dans le royaume de son propre imaginaire.

Seuls, me semble-t-il, les arts qui exigent du corps humain cet engagement total de chacun de ses composants les plus infimes dans une impérative et rigoureuse union coordonnée avec tous les autres, peuvent permettre une véritable échappée transcendante, un instant au moins, vers l’incommensurable au-delà de soi-même.

Aucun corps ne saurait franchir aussi loin ses limites sans la puissance magnifiée de la volonté qui l’exhorte, sans l’ordre supérieur de l’esprit qui le conduit.

Mais aucun esprit ne serait en mesure de s’ouvrir grand à cet ailleurs dénué de frontières qu’est l’imaginaire, sans avoir au préalable épuisé les limites du corps qui l’enferme.

La danse comme un des chemins vers la véritable beauté de l’âme : sa liberté ?

La réalité regagne toujours ses droits, et le danseur son théâtre.

 ∫ ∫ ∫

Elle se perd dans le mouvement : Heather Ogden

∫ ∫ ∫

Il se perd dans le mouvement : Guillaume Coté

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La mort de Didon

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En ces temps lointains de ma jeunesse, "lourdement" armés de notre "Gaffiot" - les latinistes ne sauraient oublier combien ce dictionnaire pesait dans nos cartables – nous nous battions avec le vers alambiqué de L’Énéide pour essayer de comprendre quelque chose à la Guerre de Troie racontée par Virgile. Si le récit de la guerre et la beauté d’Hélène parvenaient parfois à capter notre attention, les amours de Didon et Énée ne nous passionnaient pas spécialement.

Didon, pour nous, se limitait à cette phrase, exercice de diction au demeurant, qu’inlassablement nous nous plaisions à répéter à toute vitesse pour en faire une énigme indéchiffrable par ceux de nos copains qui n’étaient pas encore initiés : "Didon dîna, dit-on, du dos d’un dodu dindon."

Lequel d’entre nous – l’aîné n’avait pas atteint ses 14 ans -  se serait-il préoccupé du sort tragique de cette reine de Carthage dont Virgile, assisté avec ferveur par notre professeur, essayait de nous dire la souffrance? Cette reine qui, accueillant dans son palais Énée défait à Troie, en devient amoureuse et s’unit à lui sur les conseils de sa sœur. Cette même reine qui, à peine l’union avec Énée célébrée, est trahie et abandonnée par ce nouvel époux reniant son serment, convaincu par la malveillance de Junon de partir à la reconquête illusoire de Rome. Cette reine, digne jusqu’à en mourir, qui, repoussant la condescendance de son lâche époux, se transperce la poitrine avec la propre épée du héros dardanien.

"Moriemur inultae, sed moriamur!"   (Nous mourrons invengée, mais mourons!)

Auguste Cayot - Mort de Didon 1711

Auguste Cayot – Mort de Didon 1711

En a-t-il inspiré des poètes, des romanciers, des peintres et des musiciens, ce royal suicide de la célèbre Didon! Cette "reine noire", selon l’expression que choisit  Jacqueline Kelen pour qualifier les "femmes solaires" que sont "Didon, la Reine de Saba ou Salomé, "car sous tous les ciels la vraie lumière est noire : intérieure, cachée." (Les reines noires – Albin Michel)

Chaque siècle a trouvé parmi les siens son lot d’artistes pour représenter, raconter ou chanter ce tragique destin : outre les peintres, dont certains exposent en tête de ce billet, on pourrait penser à Etienne Jodelle au XVIème siècle avec "Didon se sacrifiant", à Georges de Scudéry, prétentieux romancier protégé de Richelieu, au XVIIème, à Métastase, au siècle suivant en Italie et sa "Dido abbandonata", à l’incontournable Berlioz au XIXème avec "Les Troyens", et plus près de nous, à Giuseppe Ungaretti ou Léopold Sédar Senghor. Ce ne sont là que quelques exemples.

Un seul d’entre tous, à mon sens, – et c’est un musicien – a transmis à la postérité une inoubliable image de la pathétique destinée de Didon : Henry Purcell.

Dans son "unique" opéra, Dido and Æneas, le maître anglais propose une version assez édulcorée, voire simplifiée, du récit de Virgile. L’œuvre, dont l’écriture est elle-même assez dépouillée, initialement composée pour quatuor à cordes et clavier, pourrait sembler plutôt minimaliste pour un opéra baroque. Mais cela ne nuit en rien à l’intensité du drame qui s’y déploie. Les airs sont souvent des enchantements et le lamento final, "When I am laid in earth", de Didon qui se laisse mourir dans les bras de sa suivante Belinda fait vibrer les poitrines des accents d’une triste et noble résignation dans lesquels se confondent en un seul souffle le cœur meurtri de l’amante et l’âme généreuse de la femme d’état.

Thy hand, Belinda, darkness shades me,
On thy bosom let me rest,
More I would, but Death invades me;
Death is now a welcome guest.
When I am laid in earth, May my wrongs create
No trouble in thy breast;
Remember me, but ah! forget my fate.
(Nahum Tate, livret de Didon et Enée, 1689)

Donne-moi ta main, Belinda, l’obscurité m’aveugle,
Laisse-moi me reposer contre ton sein,
Je voudrais davantage, mais la mort m’envahit;
La mort est à présent la bienvenue.
Lorsque je serai portée en terre,
Que mes torts ne créent pas de tourments en ton cœur.
Souviens-toi de moi ! Souviens-toi de moi !
Mais, ah ! Oublie mon destin.

Δ

A en croire Virgile, la terrible Junon elle-même – pourtant absente, comme on en s’en doute, à la première de l’opéra de Purcell – se trouva émue par les derniers instants de Didon :

"Tum Iuno omnipotens, longum miserata dolorem difficilisque obitus"  (Alors Junon la toute-puissante s’apitoie sur cette longue souffrance et sur cette mort pénible)

Δ

Et comme l’émotion est aussi liée – n’est-ce pas Monsieur de la Palice? – à l’interprétation, en voici deux d’une égale séduction, bien que très différentes l’une de l’autre (c’est le moins qu’on puisse dire), eu égard à l’apparence physique des cantatrices qui incarnent notre héroïne, à leur tessiture respective, et à la mise en images de leurs prestations.

Deux visages magnifiques, deux voix d’exception pour servir une unique et éternelle transcription sonore de la mort de Didon.

Patricia Petibon

Δ

Jessy Norman


Une petite larme de poison

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Une petite larme de poison pour troubler le regard, brûler la voix, et nous plonger dans l’élégante confusion d’un rêve sensuel.

C’est si bon!

"Le pouvoir enivrant qui change l’homme en dieu ;
"L’amour, miel et poison, l’amour philtre de feu,
"Fait du souffle mêlé de l’homme et de la femme,
"Des frissons de la chair et des rêves de l’âme."

                             Victor Hugo ("Noces et festins")


Adieu Maestro!

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Triste jour!

Le monde de la musique, le monde entier, vient de perdre un homme exceptionnel : l’immense chef d’orchestre Claudio Abbado est mort. La maladie a fini par épuiser le courage et les énergies qui soutenaient le maestro dans l’incessant combat qu’il menait avec détermination contre elle depuis de nombreuses années.

Claudio Abbado (1933-2014)

Claudio Abbado (1933-2014)

La presse internationale unanime salue avec le respect et la reconnaissance qu’il mérite, le génie de ce serviteur farouche et généreux de la musique. Loin des effets médiatiques, Claudio Abbado, engagé sans limite dans sa passion, aura donné leurs plus belles couleurs aux partitions des illustres compositeurs du passé, autant qu’il aura présenté et ardemment défendu  les compositions contemporaines.

Par un exceptionnel charisme et une verve poétique toute personnelle, il a su séduire tous les musiciens qu’il a dirigés, même les plus réfractaires au changement, ancrés dans de vieilles traditions. Autant au Wiener Staatsoper, à La Scala de Milan, au London Symphonic Orchestra, au Berliner Philharmoniker ou plus récemment au Gustav Mahler Jugendorchester, il aura par sa puissance de travail, sa profonde connaissance des œuvres et sa naturelle empathie, conduit chaque instrumentiste à se fondre dans le groupe, sans s’y perdre, pour qu’ensemble ils façonnent chaque interprétation dans une pâte sonore unique.

Quelque que fût l’œuvre, symphonie, concerto, musique chorale ou opéra, Claudio Abbado avait coutume de la diriger sans partition, infiniment confiant à la fois dans son extraordinaire mémoire et dans la qualité du travail de ses musiciens.

La partition de la vie de ce magnifique chef vient de recevoir sa "double barre".

Plus que jamais sans doute nous écouterons et redécouvrirons ses très nombreux enregistrements audio ou vidéo, avec un bonheur sans cesse renouvelé, même empreint d’une inévitable nostalgie.

Triste jour! Vraiment!

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Mozart – Requiem (Lacrimosa) Orchestre du Festival de Lucerne – 2012

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Mahler – Symphonie N°5 (Adagietto) – Festival de Lucerne 2004


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